l'antre des Cuspna
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l'antre des Cuspna

Je voudrais mourir si cela ne vaudrait mieux que de ramper, de s'avilir et se prostituer
 
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 La Chute...

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Vamp

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MessageSujet: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeLun 15 Juin - 18:08

La mansarde était vide, sombre et humide, de cette même humidité qui s'était infiltrée entre les mailles des draps glacés. Une odeur de bois mouillé flottait dans l'air, s'enroulant autour des oreillers moelleux et des quelques chemises abandonnées sur le sol. La fenêtre avait été laissée entrouverte, abandonnant l'entrée aux flocons brillants qui venaient s'écraser entre les lattes du parquet vermoulu. Le seul élément ordonné de la pièce était un lourd manteau, orphelin soigneusement plié perdu dans le grand lit désordonné. Il n'y avait pas la moindre vie ni aucune trace de chaleur pour en faire naître.





On la secouait par l'épaule. Sans douceur mais avec une certaine distance. Elle ne bougea pas. On  secoua plus fort. Le front appuyé contre son avant bras, Vamp rouvrit les yeux alors que le murmure d'une conversation lui parvenait plus nettement à mesure qu'elle reprenait pied avec la réalité. Elle se redressa alors que la main intruse s'écartait vivement, comme un geste réflexe devant un animal sauvage.


- On part.


Elle passa une main sur son visage, cherchant futilement à défroisser ses traits fatigués. Le sommeil était fuyant.

Cela faisait trois semaines qu'elle avait quitté la maisonnée de Lin. Trois semaines qu'elle avait déserté les lieux où ils pouvaient se rencontrer. Et cela faisait trois semaines qu'Isaac avait un nouvel équipier.

La fureur du jeune barbu, sa haine et son absence dans la vie de Vamp avaient laissé une blessure qui suppurait dans la poitrine pâle. Le pus en suintait, se mélangeant au sang chaud qui s'infiltrait dans ses veines sous la peau blanche et distillait à son cœur une haine avide et animale. L'absence de Lin n'avait pas laissé un vide, mais un fiel et une vengeance que l'absence d'émotion sur les traits du visage lunaire promettait.

Obéissante, la grande brune se leva tout en glissant ses longs doigts dans la protection d'un gant sombre. Le cuir protesta lorsqu'elle joua des phalanges avant de se soumettre.

Comme si cet abcès se matérialisait dans ses vaisseaux sanguins, Vamp n'avait jamais été aussi pâle de sa vie. C'était un poison qui attaquait sa chair et contaminait jusqu'à sa moelle, hantant jusqu'à ses nuits. Elle ferma les yeux un court instant en gonflant ses poumons d'air, pour trouver le calme et apaiser l'acidité de cette bile âcre. Malgré cette colère qui semblait être le fluide qui la maintenait en vie, Vamp était une femme épuisée. Elle dormait peu, se tournant et se retournant sans cesse en cherchant Lin dans un demi sommeil agité avant de se réveiller, seule, suante de peur et de panique, des injures portant la voix du jeune homme raisonnant sans pitié dans sa tête.

On l'appela, avec plus d'impatience cette fois. Impassible, Vamp sortit de la pièce.

Valentin observa sa nouvelle conquête prendre sa place avec une docilité de louve parfaitement dressée. Il n'en était pas peu fier. Voilà plus de deux semaines qu'elle avait exigé une rencontre avec lui. Lorsque la jeune femme avait réussi son test d'admission dans sa petite entreprise, il lui avait proposé un premier poste qu'elle avait refusé. Il savait pourtant qu'elle en avait le potentiel, il l'avait lu dans ses yeux sans fond. Et voilà que l'autre nuit, elle avait subitement reconsidéré son offre. Il ne se fiait pas totalement à ce profil lisse de toute émotion, mais elle avait évoqué une raison tout à fait légitime : l'argent et la vengeance. Il avait accepté. Elle avait signé.

À partir de cet instant, elle avait vécu pour lui. Cette grande femme élancée était à lui. Elle était sa chose, son chien de garde. Sa louve blanche. Elle faisait maintenant partie des quatre personnes qui constituaient sa garde personnelle. S'il lui arrivait quoi que ce soit, si sa personne se trouvait blessée, la moindre égratignure serait identiquement reproduite chez chacune des familles de chacun de ces quatre gardes. C'était le contrat. Elle avait signé. Ils avaient tous signé.

Il n'était pas peu fier d'avoir cette catin arrogante à son service. Elle était dangereuse mais elle était à lui. La seule femme de sa garde, ce qui était un plus esthétique. Elle n'était pas spécialement belle mais une présence féminine attirait l'oeil et l'attention. Et il adorait le spectacle...




La jeune femme savait que ça finirait par arriver. Valentin était bien trop orgueilleux pour ne pas visiter régulièrement l'une de ses plus belles réussites : sa maison close. La nuit satinée les enveloppait tout les cinq alors qu'ils se frayaient un chemin laborieux dans la neige. L'hiver s'était bien installé et quoi de mieux qu'un bordel pour retrouver vie et chaleur ? Aussi le va et vient des clients était constant et le débit très appréciable. Les traces de pas imprimées dans la neige tassée à l'entrée en témoignaient assez.

Il avait cessé de neiger. La nuit était claire, froide mais belle. Vamp aurait pu l'apprécier si ses yeux n'étaient pas nerveusement figés sur cette porte qui promettait la luxure pour certains, la torture pour elle. Elle n'avait pas croisé le regard de Lin depuis ce fameux petit déjeuner.

La chaleur de l'endroit cingla son visage alors qu'elle passait la porte, précédant le grand patron. Étrangement, c'est cette chaleur qui fit fondre l'anxiété que le froid avait gelé dans sa gorge. Lorsqu'elle tourna son visage pour embrasser méticuleusement l'entrée du regard, pas un tressaillement ne la trahit. Lin était à sa gauche, droit, fidèle. Elle le regarda brièvement avant de lui offrir son profil et l'angle de sa mâchoire, vérifiant soigneusement la pièce voisine du regard.

Sa nouvelle fonction lui imposait une nouvelle tenue. On l'avait obligée à abandonner son long manteau noir qui pouvait ralentir ses mouvements par une veste courte. Noire et épaisse, elle s'arrêtait dans le creux de ses reins, soulignant la longueur de ses jambes que des braies noires et des  jambières de cuir protégeaient. Un noir qui n'était que réponse à l'ébène de ses cheveux. L'unique tache blanche du tableau se résumait à sa nuque, exceptionnellement dévoilée par une queue de cheval haute dont seules quelques mèches trop courtes étaient calées derrière l'oreille ou s'égaraient contre ses pommettes lisses. Unique désordre dans cette parfaite austérité.

Elle était armée. Visible et sans détour, une longue dague était glissée dans l'une de ses jambières. Ses compatriotes, plus discrètes, pouvaient amplement être devinées. Dangereuse, armée et rigide. Quelque chose dans le regard de Vamp assurait qu'elle n'hésiterait pas à tuer. La vengeance. Elle n'avait pas menti à Valentin. Si elle avait accepté ce nouveau travail, si elle avait accepté de signer, c'était pour se venger. Elle n'avait que ce mot à la bouche, que cette soif dans la gorge. La vengeance.

Tout était de sa faute. Elle allait tuer Valentin elle-même.  
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Lin
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeSam 20 Juin - 14:15

Il était agacé. A chaque entrée de client, il prenait une profonde inspiration avant de soupirer longuement. Pour se détendre. Pour ne pas laisser la tension grimper le long de ses membres. Pour éviter de faire valser une tête à l'autre bout du hall pendant que le corps vacillerait près de la porte. Pour rester calme, simplement.

Il y avait trois semaines de ça, Vamp avait tourné les talons sans rien ajouter. Il sentait encore l'infime pression de ses lèvres sur sa bouche et la vibration de ses mots au creux de ses oreilles. Comme des marque indélébiles qu'on essaierait d'effacer en se griffant la peau du bout des ongles. Il avait beau avoir dormi tout son saoul et s'être saoulé à s'en endormir, rien n'avait fonctionné. Il les sentait encore, incrustées en lui. Ca l'agaçait.

Et ce client n'allait pas l'aider à recouvrer son calme. Ce petit air supérieur qu'il affichait alors qu'il déposait sa veste envenimait les choses au sein du torse du barbu. Une profonde inspiration. Aucune raison de se croire au-dessus de la plèbe quand on vient tirer son coup dans un établissement de professionnelles. N'importe quel imbécile assis sur un filon d'or pourrait le faire. Une longue expiration. Remballe tes yeux de fouine. Et ravale ton sourire d'idiot dédaigneux. Tu vas te ramasser un poing avant d'avoir entrevu la seule paire de fesses que tu ne pourras jamais approcher qu'en la monnayant. Rester calmer. Simplement.

Trois semaines qu'il ne l'avait pas vue. Le client disparut dans un corridor, suivant une paire de hanches affriolante. La tension baissa d'un cran. Ses yeux retrouvèrent la porte d'entrée. Trois semaines qu'elle ne s'était montrée nulle part. Elle devait estimer que tout avait été dit. Elle devait penser qu'il était inutile de le revoir. Il ne pouvait s'empêcher de l'avoir cherchée des yeux. Le battant de bois se rabattit à nouveau contre le mur. Client suivant. Elle devait être partie encore une fois. La tension remonta d'un cran.

La main qui se posa sur son épaule l'obligea à juguler un sursaut. Depuis quand posait-on la main sur un préposé à la sécurité ? Il tourna la tête pour assassiner le propriétaire de ce membre gênant mais ses yeux furibonds ne trouvèrent que la chevelure rousse qu'il commençait à connaître. Toujours la même. Il leva les yeux au ciel en époussetant son épaule comme si ses doigts n'étaient que poussière.


Je t'ai déjà dit d'éviter les contacts si tu voulais garder tes intestins intacts.

Un sourire d'excuse savamment étudié lui répondit. Elle était professionnelle. Charmer les colériques n'était que pure routine pour elle. Et celui-ci n'avait rien de différent. Il n'était simplement pas client.

Range tes grands airs, j'viens te prévenir d'une visite particulière. Le grand patron qui débarque. J'me suis dit que tu voudrais p'têtre le savoir avant.

Elle lui sourit sincèrement cette fois. Visiblement, elle était aussi dupe que chaste. Même s'il lui grogna de dégager avant qu'il n'arrive, Lin savait qu'elle représentait un point d'appui essentiel pour l'entreprise qu'il avait mise en place avec Larson. Et ce genre d'information était effectivement utile. Qu'elle vienne lui en faire part le rassurait. Il n'avait pas que des ennemis.

Déliant ses épaules d'un mouvement circulaire, il croisa ses mains devant lui comme les gardes en faction et revêtit un masque de neutralité parfaitement maîtrisé. Il fallait qu'il garde sa couverture lisse et sans accrocs. Le plus stoïque et le moins impliqué. Pas de fouine. Un boulot, une paie et basta. Surtout pas de curiosité, nervosité, agressivité. Du détachement. Du professionnalisme.

Elle n'avait pas menti. Quelques clients plus tard, la porte s'ouvrit à nouveau pour laisser passer un petit cortège au sein duquel se trouvait l'homme détestable. Le patron d'une affaire un peu trop bien ficelée. Celui que le barbu avait prévu de mettre à terre sous peu. Il aurait dû analyser ses déplacements, compter le nombre de gardes du corps dont il s'entourait et déterminer le rôle de chacun. Leur force respective, leur agilité et leur degré de dangerosité.

Il en fut incapable. La première tête du cortège venait de s'imprimer sur sa rétine. Vamp. D'une blancheur maladive et d'une allure plus implacable que jamais. Sa pomme d'Adam remonta sous une déglutition maîtrisée in extremis alors qu'elle portait un bref regard désintéressé sur lui et il s'empêcha de serrer les dents alors que les deux puits sombres quittaient son visage sans aucun accroc. Son détachement résonnait comme une trempe au coin de sa mâchoire. Quelle petite conne.

Les idées bombardèrent son esprit au moment-même où son visage n'était plus soumis à son regard. Elle n'était pas partie. Elle venait de le mépriser. Elle était superbe. Elle travaillait toujours pour Valentin. Elle n'était plus accompagnée du grand brun. Elle faisait partie de sa garde rapprochée. Elle était magnifique. Elle était corrompue jusqu'à la moelle. Elle jouait contre lui. Elle l'avait vraiment trahi.

Il dut prendre sur lui pour ne pas s'ébrouer sous l'avalanche de ces prises de conscience et força son esprit à un peu plus d'ordre. Il ne pouvait pas se laisser distraire par l'éclat cadavérique de la jeune femme. Elle escortait celui qu'il voulait assassiner. Elle avait disparu de chez lui en avouant ne pas le mériter et ré-apparaissait trois semaines plus tard dans l'étroite protection de son plus furieux ennemi. Un sursaut d'honnêteté chez elle qui l'avait faite jouer franc-jeu ? Elle n'essaierait plus de le descendre par l'intérieur, elle l'empêcherait d'agir directement.

Le visage de Lin restait impassible alors que le groupe s'était mis en place autour du chef, chacun à son poste pour lui assurer une survie à toute épreuve. C'était étudié et bien rôdé. Imperçable. Et Vamp en faisait partie. Vamp dont il voyait le profil tranchant et la silhouette longiligne. Silhouette qui n'était plus estompée par le vaste manteau noir qui lui donnait une allure altière. Il avait été troqué contre un veston beaucoup plus court qui libérait sa taille et ses mouvements. L'ensemble noir épousait sa peau dans les moindres articulations pour n'entraver aucun mouvement. Et il n'entravait aucun regard non plus.

Il ne pouvait s'en empêcher. Ces contours magnétisaient ses pupilles. S'il avait vérifié que personne ne faisait attention à lui, ce n'était pas par hasard. Il savait qu'il n'allait pas pouvoir s'empêcher de la dévorer du regard. Tout ce noir qui habillait les formes qu'il aimait dévêtir s'exposait comme une sournoise torture. Le blanc immaculé de sa nuque fanfaronnait au-dessus du col avec une insolence insupportable et cette queue-de-cheval triomphait avec beaucoup trop d'arrogance au sommet d'un crâne qu'il aimait dépasser de quelques centimètres. Il voulait presser sa paume contre la peau dénudée et enlacer la taille bien trop visible. La cambrer contre lui et affirmer sa possession sur elle. Peut-être égarer une main ferme sur ses mèches retenues, pour mieux prendre assise sur ses lèvres.

Le claquement de la porte l'arracha aux fantasmes qui se frayaient un chemin dans son esprit perturbé. Encore un client. Le jeune homme se maudit de s'être laissé déconcentré par la brune. Elle était dangereuse. Somptueuse. Mais beaucoup trop dangereuse. Elle constituait le garde du corps le plus fort face à lui. Elle n'aurait qu'à jouer avec lui pour le mettre hors-course. Il ne saurait pas la mettre à terre. La salive du barbu eut du mal à se frayer un chemin le long de son oesophage. Il était piégé. Elle l'avait fait tomber à nouveau, il s'était fait berné et emprisonné dans un magma émotionnel qu'il ne maîtrisait pas. Elle avait plein pouvoirs sur lui. Elle le saignerait à sa guise. Exaspéré, Lin serra les dents malgré lui. Il allait devoir combattre le diable.

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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeMer 24 Juin - 13:29

Elle le sentait parfaitement, planté derrière elle, dos au mur alors qu'elle suivait le grand patron dans l'un des nombreux couloirs satinés. Elle ne l'avait pas vu depuis plus de trois semaines mais n'était pas tentée de lever les yeux pour croiser son regard noisette. Elle avait bien trop peur d'y lire l'indifférence.

La jeune brune était persuadée que Lin la détestait, que ses raisons étaient tout à fait légitimes et qu'elle ne méritait ni l'attention ni l'amour de cet homme. Inutile de se faire du mal en bavant sous son regard, donc.

Pourtant, une tension épineuse agrippa son cœur et une raideur nouvelle rejoignit ses consœurs dans les noeuds de la nuque découverte. Qu'elle en soit digne ou non, elle voulait Lin.

Rigidement plantée aux côtés de Valentin, elle resta un témoin indifférent aux salutations entre son patron et ses clients réguliers, tout comme elle garda une froide sérénité sous les quelques regards interrogateurs lancés dans sa direction. Elle était la petite nouvelle qui complétait la dangereuse garde personnelle du grand patron. Or cette petite touche de féminité ne passait pas inaperçu. Si les gardes femmes n'étaient pas d'une rareté divine, elles étaient généralement moins élancées, moins maigrelettes et moins fines. Le dernier choix du Patron ne faisait pas l'unanimité.

Un ou deux couloirs plus tard, la porte délicatement vernie se refermait sur Valentin et deux de ses filles. Plus détendus, les acolytes de Vamp s'autorisèrent quelques boutades épicées sur les capacités d'un homme de son âge face à deux jeunettes. Ils avaient vite appris à faire abstraction de leur nouvelle équipière. Elle ne leur accordait pas le moindre regard et ils n'avaient réussi à lui arracher la moindre parole. En trois semaines, ils ne l'avaient vue ni manger ni ciller ou perdre son calme tranquille. S'ils avaient osé, ils l'auraient touché du bout des doigts pour s'assurer qu'elle était bien palpable et bien matérielle, et non pas une quelconque chimère que Valentin aurait pu négocier avec le Malin en échange de son âme. L'un d'eux assurait qu'ils avaient affaire à une muette. Tout simplement. Personne n'osa lui poser directement la question.

Un pli se dessina entre les sourcils sombres de la jeune femme. Elle n'était ni prude ni innocente, mais entendre des grivoiseries d'adolescent en rûte pouvait volontiers lui faire perdre son calme boréal. Surtout quand elle n'avait pas eu un accès direct au corps de son homme depuis trois longues semaines.

Dans un silence de mort, les trois hommes l'observèrent quitter le groupe et disparaître dans l'un des nombreux couloirs. Cette petite était lugubre. Elle avait quelque chose de bien trop macabre dans le fond des prunelles pour que l'on soit parfaitement à l'aise en sa présence.

Vamp traversa quelques couloirs. Elle connaissait les règles à la perfection, Valentin lui avait donné à apprendre tout les codes de protection de sa personne en fonction de l'environnement dans lequel ils se trouvaient. Elle savait, par exemple, que la chambre qu'elle venait de quitter était l'une des rares qui n'avaient pas de fenêtre. Tout danger extérieur devrait donc passer par la porte. Porte qui doit être gardée par deux des quatre hommes. Le troisième doit se trouver à une distance d'un couloir des deux autres. Le quatrième doit errer dans les couloirs, escaliers et alcôves sans se laisser distraire par la chair tendre et moite qui roucoulait à chaque carrefour, à la recherche du moindre comportement suspect. Une nouvelle fois, Valentin lui avait fait apprendre les profils et descriptions physiques de tous ses ennemis potentiels, concurrents et autres fous qui pourraient avoir envie de s'en prendre à lui. Elle avait vérifié. Ni Lin ni Larson ne faisait partie de la liste. Du moins pas encore.

Elle endossa donc le rôle du quatrième larron. Vamp pouvait rarement réfléchir dans l'inactivité. Elle n'était pas la travailleuse la plus courageuse ou assidue de l'histoire. Au contraire, elle aimait flâner paresseusement dans le fond de son lit pendant des heures et des heures. Mais paradoxalement, elle se trouvait incapable de réfléchir dans l'inaction. Aussi erra-t-elle volontiers en regardant distraitement les visages qu'elle croisait. Encore une petite semaine et elle planterait sa dague dans la gorge de Valentin. Il avait beau être surprotégé, ce n'était qu'un homme, qu'un tas de chair et de muscles.

Ce fut soudain. Brusque, assez pour que Vamp ne puisse vraiment réagir.

- Mais qui voilà ! Une jolie frigide à réchauffer les gars !


Vamp ne cilla pas. Il y avait du défi dans cette voix, un véritable challenge qui résonnait dans l'air. Tranquille, la jeune brune se retourna pour accorder un simple regard condescendant à son héros grec. Une tête de fouine. Plus large que grand. Il allait avoir un sacré boulot avant de la faire fondre. Ce fut plus fort qu'elle. Elle lui sourit.

D'un sourire amusé et insultant. D'un sourire qui fleurait le rire et le mépris. Du sourire que les filles avaient interdiction d'avoir lorsqu'un client se déshabillait sous leurs yeux. Puis elle passa son chemin.

L’étau se referma sur son bras comme un piège sur la patte d'une louve. On l'agrippa pour la pousser violemment contre le mur alors qu'un corps inconnu et furieux se moulait au sien. Elle sentait parfaitement le muscle dur qui faisait pression sur sa cuisse.

Vamp craqua. Personne d'autre que Lin n'avait le droit de l'acculer contre un mur. Elle frappa de sa main libre.

Il n'y avait aucune technique. Juste une fureur qui battait ses tempes et dirigeait ses coups. Une colère que la jeune femme avait emmagasinée pendant des semaines et des semaines sans parvenir à s'en purger. Lin lui avait hurler dessus. Lin préférait Larson et se foutait de partager sa chemise avec elle. Lin pensait qu'elle était une traitresse à la solde du vieux. Elle avait dû signer un contrat aux clauses avilissantes. Et elle n'était PAS frigide.

Les os crissaient et se brisaient sous ses poings. Elle était par terre, à cheval sur le corps mou du client qui ne bougeait plus depuis longtemps. Vamp s'acharnait, assez pour qu'une fine pellicule de sueur perle son front sous l'effort physique que demandait le tabassage d'un homme. La fine peau de ses phalanges s'arrachait lentement pour découvrir une peau à vif. Elle avait retiré ses gants sous la chaleur de l'endroit et en payait le prix.

C'était injuste. Profondément injuste. Elle frappait, frappait et frappait encore. Trois semaines qu'elle ne dormait pas sereinement. Trois semaines où la moindre odeur de nourriture lui donnait la nausée. Encore un coup, un dernier. Juste un autre, un seul. Un cri strident de femme raisonna dans son dos.
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Lin
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeVen 26 Juin - 12:22

Son champ de vision fut progressivement scindé en deux par un sommet de crâne brun. Du genre de crâne qui porte de jolies mèches sombres, bien ordonnées mais pas trop, propres ce qu'il faut et coupées selon les tendances de l'époque. Un crâne de fille entretenue dont l'apparence compte. Un crâne de fille d'ici.

Les yeux de Lin quittèrent leur fixité de réflexion pour descendre sur le joli visage qui se trimballait sous une frange de ces cheveux bruns. Louise. La mignonne du premier qui préférait les massifs aux fils de fer. A l'inverse de la rousse, elle ne l'importunait jamais. Une gentille plus très jeune fille aux courbes de femme qu'aucun homme n'aurait dédaignée. Une femme attirante mais discrète. Si discrète que Lin n'en connaissait que le sourire chaleureux quand ils se croisaient au vestiaire. Il ne fut donc pas surpris quand elle lui annonça ce qui l'amenait jusqu'à lui.


Je suis désolée de vous déranger avec ça mais j'ai besoin que vous interveniez. Mon client provocateur n'a pas choisi la bonne cible.

Se disant, elle l'enjoignit à la suivre d'un quart de tour explicite. La demande était cordiale, comme toujours. Elle le vouvoyait. Ca le surprenait toujours. Mais il n'essayait plus d'y changer quoi que ce soit. Elle le faisait avec tous. Certainement un moyen de mettre de la distance avec cet endroit pourri jusqu'à l'os.

Lui emboîtant le pas, Lin se repassait machinalement les règles de l'établissement. En cas de grabuge, il fallait tirer le client d'affaire et gérer la partie opposée comme la coupable, peu importe les faits. Si la partie engageait deux clients, estimer le plus rentable et amoindrir ses torts. Si leurs valeurs étaient égales, s'en tenir aux faits. Les pas de la brune devant lui égrenait les idées dans sa tête et il arriva sur les lieux de l'incident dans un calme tout professionnel.

Qui ne dura pas. Le velours au sol s'était assombri de sang et les éclairs blancs qu'il voyait jaillir à la source de ce magma pourpre imprimèrent sa rétine. Vamp. A nouveau. Son sang ne fit qu'un tour avant de bouillir dans ses veines. La rage contracta ses épaules et durcit ses traits. Elle disparaissait trois semaines et revenait pour foutre le bazar dans ses fonctions. A nouveau.

Il contourna la fille venue le chercher et fit taire l'autre témoin qui gémissait d'horreur, tétanisée contre le mur opposé.


Tais-toi, nom de…. Allez, tire-toi, tu sais qu'il faut éviter le grabuge.

D'un geste sec, il renvoya les filles à leurs fonctions. Des bagarres, il y en avait souvent. Des clients qui voulaient la même fille. Des filles qui voulaient le même client. Des clients mécontents d'une fille. Des filles qui repoussaient des sbires de Valentin. Il avait l'habitude de gérer toute sorte de conflit. Il avait une attitude pour chacun. Sauf pour celui-là.

Ce n'était pas un conflit. Le visage de l'homme, autrefois sans doute massif, était en mille morceaux. Chaque os avait subi l'assaut des phalanges immaculées. Chaque relief avait ployé sous la force qui l'avait impacté. Les cartilages avaient tous sautés. Il ne restait qu'une bouillie informe de peau, de sang et de squelette broyé. Et Vamp qui continuait à en faire de la charpie.

Exaspéré, Lin ne maitrisa aucun de ses gestes. Elle n'avait aucune excuse. Elle n'avait pas le moindre droit entre ces murs. Chacun son boulot. Passé derrière elle pour éviter les éclaboussures, il l'empoigna sèchement, bloquant ses coudes dans son dos. La colère qui piquait ses nerfs affermissait chacun de ses gestes. Il la souleva sans effort et fit abstraction des longues jambes qui se débattaient pour retrouver le sol, des poings serrés qui battaient l'air pour retrouver leur victime. Elle n'aurait jamais dû faire ça.

Le pas raide, il l'entraîna pendant plusieurs mètres avant de l'envoyer valser contre le mur d'un des nombreux recoins placés à intervalles réguliers dans ces couloirs pour gérer des différends un peu trop violents. Ce bordel était sous sa surveillance et il ne laisserait rien passer. Certainement pas les écarts de celle qui l'avait trahi pour rejoindre la proximité d'un ennemi à tuer.


Tu arrêtes tes conneries. Fous-moi dans la merde à la loyale au lieu de faire dans le vicelard détourné.

Il ne lui avait encore adressé aucun regard. A demi-penché vers le couloir, il s'assurait que l'agitation n'avait pas attiré d'autres têtes. Il n'avait pas les nerfs pour s'occuper des petits curieux et le corps étendu un peu plus loin n'avait besoin d'aucun spectateur. Il fallait qu'il la renvoie dans ses pénates rapidement pour effacer toute trace et laisser les choses reprendre leurs cours comme si de rien n'était. Sa voix tremblait pourtant d'une rage contenue.

Maintenant, tu retournes d'où tu viens…

Sa voix s'éteignit alors brusquement. Il venait de croiser son regard. Il était impossible de s'y tromper. Il ne comportait aucune menace, aucune manigance ni aucune malsanité. Ce qu'il y lut coupa net toute sa hargne et il se tint coi face à elle, le corps encore dressé et menaçant, le visage lisse de toute émotion et les yeux fixes. Ce n'était pas celle qu'il avait vue entrer dans le bordel aux côtés du patron. Ce n'était pas la tueuse en vêtements d'attaque. Il n'avait devant lui que celle qu'il avait connue des années auparavant. Et le choc était brutal.

Comme s'il sortait des tréfonds de son aveuglement colérique, son esprit se réveilla brusquement et déversa dans son crâne tout ce qu'il avait occulté dans sa rage immédiate. Elle n'aimait pas le contact. Elle n'attaquait pas sans raison. Elle avait été étrangement légère à soulever. Elle aurait dû être en train de protéger Valentin. Elle ne manigançait jamais. Elle ne connaissait que l'attaque brute. Elle ne se battait que rarement en corps à corps. Elle n'aimait pas le sang.

Aussi subitement qu'il l'avait empoignée, il referma l'angle de ses épaules pour faire barrière au couloir. Son instinct avait pris le pas sur son esprit, empêtré dans des combats de pensées contradictoires. Il baissa d'un ton, vidé de toute rage.


Ca va ?
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Vamp

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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeVen 26 Juin - 14:45

Elle ne cessa de se débattre que lorsque son dos heurta le mur. Elle grimaça sous le choc et était prête à agripper le nouvel opportun à la gorge sans la moindre hésitation lorsque ses yeux prirent le temps d'embrasser le visage de cet enfoiré. L'effet fut immédiat.

Vamp se calma aussitôt. Toute la fureur que l'homme avait déclenchée quelques secondes plus tôt s'évanouit en un claquement de doigts. Ni les mots, ni le contacte contre sa jambe ou l'haleine dans son cou ne semblaient avoir laissé de trace dans la conscience de la jeune femme. Au contraire, un calme reposant l'étreignit assez pour détendre les traits de son visage et la tension de ses épaules. Lin.

Les yeux sombres étudièrent soigneusement ses pommettes, longeant la ligne de la mâchoire pour s'arrêter sur la courbe de sa bouche. La sienne s'assécha soudainement. Elle avait soif.

Il était tellement grand et tellement droit. Son torse était bien assez large pour l'accueillir. Un tressaillement la trahit, un ultime réflexe qui la fit chanceler d'un pas en la poussant à se blottir contre lui. Elle ne bougea pourtant pas d'un pouce. C'est son regard noisette, tourné vers elle pour la première fois depuis l'incident, qui l'en empêcha. Trois semaines qu'elle ne l'avait pas vu et elle se trouvait comme la plus stupide des amoureuses face à lui. C'est qu'il était vraiment beau. Et grand. Et fort.

Y avait-il plus absurde qu'une amoureuse godiche dans les habits d'une tueuse ?

C'est la douleur qui la ramena à l'urgence de la situation. Vamp ne lui répondit pas tout de suite. Elle baissa les yeux sur ses mains et referma lentement les poings en répétant inlassablement ce mouvement. Ses jointures étaient toutes écorchées et la peau à vif commençait à désagréablement picoter. Mais le pire restaient ses os, douloureux, comme si elle avait frapper dans un mur.

Un peu interdite, son regard erra sur ses manches. L'avantage avec le noir, c'est qu'il masquait les éclaboussures de sang. Mais le plus surprenant était le calme qui planait sur ses épaules. Elle en avait conscience. C'était anormal. Elle venait de tuer un homme à main nue et s'en trouvait soulagée. Seuls ses longs doigts étaient agités de légers tremblements nerveux et fatigués. Elle avait frapper avec des réflexes dénués de toute technique et ses os protestaient douloureusement. Elle avait eu de la chance de ne rien se briser. En fait, elle était fatiguée. Elle irait bien se glisser dans les draps moelleux d'un bon lit bien chaud.

Mais Lin attendait une réponse depuis une longue minute déjà. Le sommeil attendrait.

Vamp se redressa alors que ses grands yeux noirs se levèrent de nouveau pour croiser ceux du jeune barbu. On y lisait une profonde tranquillité et une pointe de douceur.


- Ca va. Mais j'ai ruiné le tapis du patron...


Un embarra bien réel trahissait sa voix et son front blanc. Cela aurait pu être une remarque des plus inconvenantes si la sincérité de Vamp n'était pas incontestable. La légère moue embêtée qui ourla bientôt ses lèves en témoigna.

Comme une enfant prise en plein flagrant délit, la grande brune inclina timidement la tête sur le côté, cherchant inconsciemment l'approbation du jeune homme en reprenant quelques lointaines paroles qui pourraient plus ou moins servir d'excuse à ses yeux.


- Hm... mais... « Aucun contact hors chambre », pas vrai ?
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeSam 27 Juin - 5:40

L'attitude de Lin contrastait avec l'instinct qui le guidait. Sa carrure s'étendait de toute son ampleur pour impressionner son interlocutrice alors que ses réflexes l'incitaient à envelopper Vamp. Ses contradictions internes le maintenaient dans une rigidité particulière qui pouvait paraître effrayante pour quiconque ne verrait que son dos. La jeune brune pouvait cependant distinguer une attention soutenue dans les pupilles du barbu qui la parcouraient méthodiquement. Quelque chose d'inoffensif quoi qu'aiguisé et intransigeant.

Lin la scannait. Ses yeux accrochaient le moindre détail de sa tenue, de sa posture et de son corps. Le moindre indice réfléchi sur sa rétine était stocké et accumulé jusqu'à ce qu'il trouve un lien assez logique pour en exploiter l'idée. Elle n'attaquait pas pour rien. Le pli au niveau de son bras, comme si le tissu avait été froissé. Elle n'aimait pas le contact. La peau proche de l'hématome au niveau du menton. Elle n'aurait pas dû se trouver là. Son regard penaud. Quelque chose clochait.

Il fronça les sourcils malgré lui, en pleine recherche de ce qui avait déclenché une attitude si violente chez elle. Ce type massif aurait pu l'entraver sans la moindre difficulté s'il s'était rué comme une brute sur elle. La taille de sa cage thoracique aurait suffi à couper toute fuite à la jeune femme. Ses bras comme des troncs d'arbre auraient laissé des traces sur la peau blanche s'il l'avait étreinte. Les dents de Lin se serrèrent. Avec tout ce tissu, il ne pouvait rien voir.

Il allait tendre la main pour dégager son cou du vêtement sombre quand son esprit agité reprit le dessus, jugulant sèchement son initiative. Ce tissu n'était pas là par hasard. Elle portait ces vêtements parce qu'elle était vendue à l'ennemi. Pourquoi devrait-il chercher à comprendre ? Elle n'errait pas par hasard dans ce couloir.

Ses yeux se couvrirent d'un voile de neutralité alors qu'il détournait le regard. Elle n'était plus de son côté. Il allait falloir qu'il l'intègre. Ses épaules se détendirent pour retrouver leur alignement habituel de garde en faction. Son ton redevint indifférent et il recula d'un pas pour retourner dans le couloir.


Absolument aucun.

Déjà, il s'était détourné pour aller s'occuper du corps. Quelle que soit la raison pour laquelle elle l'avait tué, il ne pouvait pas laisser cette dépouille au milieu du trajet de velours qui menait les clients au plaisir. Il allait falloir nettoyer tout ce sang, aussi. Se retranchant dans les consignes pour oublier l'instinct qui grondait au fond de ses tripes, il souleva le corps inanimé par les aisselles et le chargea sur ses épaules dans un grognement désapprobateur. Quand l'échauffourée impliquait un client et une autre partie, toujours donner raison au client. Et quand il était mort ?

Ce n'est qu'après avoir déposé le trépassé dans une arrière-salle plus ou moins étudiée pour et demandé à l'une des filles du ménage de venir faire disparaître le sang qu'il prit le temps de s'appuyer d'une main contre le mur. Haletant sans avoir fourni d'effort pour le justifier, il sentait un poids au fond de son torse qui comprimait ses forces. Il avait dû agir contre sa nature, contre ce qu'il ressentait profondément. Et son corps rejetait une telle déviance. Il dut forcer sa déglutition pour ne pas laisser l'acidité brûlante envahir son oesophage et prit une longue inspiration en écartant ses côtes au maximum pour que l'air noie ce qui se formait dans sa gorge. C'était mauvais signe. Il n'allait pas bien.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeSam 27 Juin - 13:27

Vamp cilla, le regard rivé sur l'endroit où Lin se tenait quelques instants plus tôt. Elle ne le suivit pas des yeux. Elle était trop occupée à déglutir la bile qui poissait sa gorge.

Elle avait la sensation que son cœur battait dans le vide. Si la jeune femme s'était persuadée ces trois dernières semaines que Lin la détestait pour de bon, une part d'elle-même avait silencieusement espéré que ses mots jetés à la figure n'avaient été formulés que par colère. Vamp se mordit la lèvre. On ne peut pas feindre la confiance en quelqu'un. Et Lin n'en avait aucune en elle, il avait été très clair là-dessus.

Seule dans le couloir, le poids de sa solitude écrasa soudain son dos l'espace de quelques secondes. Elle n'avait pas eu un sourire. Encore moins un bisou magique. Vamp s'obligea à se redresser, ses omoplates raclant contre les tapisseries qui habillaient le mur. Si elle ne se bougeait pas dans la seconde, elle allait finir par sangloter dans un coin comme une gamine perdue. Or elle n'en avait pas le temps. Elle avait un homme à tuer.


***

Elle aurait dû s'en douter. Valentin n'allait pas laisser passer ça.

Le cuir de ses gants frottait douloureusement contre sa peau à vif. C'était désagréable mais elle ne pouvait s'empêcher de serrer régulièrement le poing alors que son regard sombre s'égarait dans l'obscurité d'un coin poussiéreux. Il y avait deux hommes dans son dos, plantés entre elle et la porte pour lui interdire toute fuite. Aussi surprenant que cela puisse être, ils la dépassaient tout deux de dix bons centimètres. Un brin oppressant.

Le plus pesant était sa nuque parfaitement à découvert. Sans le rideau de cheveux sombres qui l'occultait d'ordinaire, Vamp sentait passer un léger souffle frais qu'elle ne savait attribuer à une des fissures du mur ou au simple fruit de son imagination.

Elle dégageait pourtant un calme tranquille. Et la présence de Lin à sa gauche ne l’altéra pas. Elle semblait hermétique, aussi dure que la roche d'une falaise et aussi désintéressée qu'une chatte orgueilleuse. Même la jolie petite brune aux côtés du barbu n'irrita pas sa jalousie. Il pouvait bien refiler sa chemise à qui il voulait, elle s'en fichait. Enfin, presque. De toute façon, les jambes de cette brunette étaient minuscules. Voilà.

Le plus surprenant était la présence d'Isaac à sa droite, accompagné de deux autres hommes que Vamp n'avait jamais vu. Son ancien acolyte semblait plus nerveux qu'elle et échangeait quelques mots avec l'un de ses voisins. Une autre fille du bordel tremblait dans un coin.

Tout ce beau monde rien que pour elle. Elle en avait de la chance. Un léger doute piqua un instant le creux de sa poitrine et elle tourna son regard noir vers Isaac à la recherche d'un indice. Un rapide coup d'oeil qui aurait pu passer pour un appel au secours ou un appel muet de soutient. Il se contenta de hocher la tête et elle grimaça. C'était un procès. Son procès. Jury et témoins. Toute la générosité de Valentin qui lui laissait le bénéfice du doute et une chance de s'en tirer. Elle était vraiment la plus chanceuse des femmes. Manquait plus que le juge.

Il se fit gentiment attendre. Ils étaient tous debout depuis plus d'un quart d'heure quand la porte s'ouvrit enfin. La mâchoire de l'accusée se contracta sous la peau blanche. Dieu qu'elle détestait cet homme.

Vamp savait que c'était une mascarade. Valentin n'avait pas la moindre notion de justice. Son maître mot était la peur, en témoignait la pauvre fille qui tremblait de terreur contre son mur froid. Et ce « procès » n'était qu'un leurre ironique qui allait servir d'exemple.

Impeccablement vêtu et entouré de ses trois gardes du corps personnels, le grand patron résuma les faits d'une voix d'une douceur qui ne trompa personne. Il ne prit ni la peine de respirer ni la peine de s'asseoir. Le bleu glacé de ses yeux apprit bien vite à Vamp qu'elle était dans des draps plus crasseux qu'elle l'avait d'abord imaginé. Il était hors de lui. Pour la première fois, elle cilla.


- Avant d'entendre la version des témoins, j'aimerai que l'on écoute la vôtre.
 

Un méchant sourire effleura le coin des lèvres de Vamp. Sans blague ?

- Pourquoi ? Vous n'avez p...

Le son de la gifle cingla l'air. Il avait frappé fort. Cette chienne avait beau être plus grande que lui, il l'avait atteint sans problème. Le picotement qui cheminait le long de sa paume flatta son orgueil tout comme le rouge qui s'étalait lentement sur la peau blanche de cette femme qu'il pensait apprivoisée. La gifle avait été assez violente pour détacher quelques une des mèches noires de la lanière de cuir qui les retenait, tombant sur les pommettes qu'il aurait volontiers griffées.

Vamp réagit aussitôt. La raison venait de se brouiller à l'instant même où la brûlure s'était déclenchée contre sa joue. Elle allait le tuer. Elle aurait largement eu le temps de l'agripper à la gorge avant que ses balourds de gardes ne réagissent. Elle aurait pu y enfoncer ses ongles. Sans avoir eu le temps nécessaire pour le tuer. Comme si un courant électrique passait dans les nerfs de ses cuisses, elle s'avança pour venir se heurter à l'humiliation qu'on venait de lui faire subir.

Isaac fut plus rapide. Il connaissait sa partenaire. Souple, il s'interposa et appuya le plat de sa main contre le buste de la jeune femme en un geste à la fois apaisant et protecteur. Déjà, les trois hommes s'approchaient d'un pas.


- Vamp. Vamp !

Avec une mauvaise volonté évidente, la jeune femme leva ses yeux devenus glacés pour se laisser baigner par le bleu rassurant du regard de son ancien collègue.

- Réfléchis à ton prochain mouvement. Pense à ce que tu pourrais y perdre
.

Il avait raison. Pourtant le cœur de la jeune femme tambourinait violemment contre cette paume qui la séparait d'une énorme erreur à venir. Elle savait qu'il avait raison. Elle savait qu'il ne parlait pas que de sa propre vie. Très lentement, elle se recula.

Le sang battait rageusement sa joue brûlante. Avec une concision toute militaire, elle raconta toute la scène, s'arrêtant à l'instant où Lin était intervenu. Jamais sa voix n'avait été aussi glacée. Elle tenta une vaine défense, plus pour protéger les personnes qui lui étaient liées que sa propre vie, en décrivant comment le corps de cet intrus était venu se mouler au sien, mais elle savait au fond qu'elle ne trouverait pas grâce aux yeux de son patron. Il était maintenant question de limiter la casse, pas de sauver sa peau.

On entendit les témoins mais il n'y avait rien de plus à dire que ce que cette chienne avait déjà raconté. Ce n'était pas excusable. Valentin était hors de lui. Furieux, d'abord parce que la maison close était son petit bijou. Ensuite, parce qu'il avait pensé que cette grande stalagmite acérée était sous son contrôle. Ce n'était clairement pas le cas. Elle remettait en doute toute son autorité aux yeux des membres de sa petite entreprise. Il écouta d'une oreille distraite les quelques paroles de défense qu'Isaac lança dans l'air avant de le faire taire d'un simple regard. Le silence s'épaissit une longue minute avant qu'il ne lève les yeux sur la jeune femme.


- Légitime défense. Vous pouvez rentrer chez vous, je vous donne votre journée.

Il vit avec satisfaction le scepticisme qu'elle ne le crut pas un seul instant. Elle était bien plus séduisante avec son petit air méfiant que son impassibilité habituelle.

Vamp jeta un œil par-dessus son épaule. Les deux hommes s'étaient écartés, laissant la porte libre. Quelque chose clochait. Elle s'empêcha de poser son regard vers la silhouette rassurante de Lin avant de franchir la porte sans un mot.

Le battant de bois se referma après le passage du dos rigide. Valentin croisa le regard des deux brutes qui gardaient l'entrée avant de hocher distinctement la tête. L'ordre était clair et n'échappa à personne dans la pièce. Sans un mot, les deux géants se glissèrent à la suite de la jeune brune.


Vamp regarda derrière elle mais personne ne la suivait. La matinée commençait et les commerçants débutaient leur courte journée d'hiver avec un enthousiasme modéré. La foule gonflait lentement les petits boyaux que formaient les rues artères de la ville. Difficile de voir si l'on était réellement suivi ou non. Et puis la jeune femme savait parfaitement que les représailles de Valentin pouvaient lui tomber dessus n'importe quand. Son premier réflexe était de rejoindre la maison de son oncle. Il fallait absolument s'assurer que la vengeance du grand chef ne tomberait pas sur sa famille.

L'odeur du pain chaud et des gâteaux aux amandes flottait dans l'air. Il faisait froid mais beau. Les quelques bousculades qui malmenèrent ses os douloureux ne la ralentirent pas que de quelques secondes. On commençait à sortir les étales et à vendre les premiers produits frais de la matinée.

Tout bien réfléchi, c'était un accident. Les deux hommes ne devaient donner qu'une bonne leçon à Vamp, pas la tuer. Si l'patron avait voulu lui trancher la gorge, il l'aurait fait à couvert. Ils devaient juste lui faire peur. La punir. Rien de plus.

Ce ne fut rien d'autre qu'un mauvais minutage, qu'un malheureux enchaînement de hasards.

La charrette tournait dans la rue et s'approchait lorsque Vamp tourna la tête. Son pas, bien engagé déjà, s'immobilisa par réflexe pour laisser libre passage aux deux chevaux. Mais le mouvement de la masse sombre qu'elle perçut du coin de l'oeil ne lui échappa pas et prit le pas sur l'urgence du moment. Elle n'eut que le temps de se retourner, prête à faire face à son agresseur, quand celui-ci, surpris, n'eut que l'instinctif mouvement de la repousser violemment au milieu de la chaussée.

L'un des chevaux se cabra. Quelques cris s'élevèrent au-dessus du brouhaha du marché.

La foule se dispersa en un rond parfait autour du corps sombre inanimé dans la neige. Le choc avait été assez violent pour que la lanière de cuir qui retenait ses cheveux ne cède. Les mèches sombres s'étalaient sur le sol, se mêlant au blanc poudreux qui se mouchetait lentement de sang.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeVen 3 Juil - 17:36

Quelque chose de malsain se logea dans la moelle épinière de Lin alors que la main du patron cinglait l'air pour heurter la joue blanche. Imperceptiblement, sa colonne vertébrale se redressa, emplie d'un fiel bien plus mauvais que ce qui avait pu l'animer jusqu'ici. La main qui s'opposa au buste cadavérique nourrit encore un peu plus cette gangrène qui gagnait chaque fibre du corps du barbu. La pièce dans laquelle ils étaient enfermés s'estompait à mesure que son esprit se déformait. Les contours des jeunes femmes autour de lui s'affaissaient à la vitesse de décrochage de sa raison. Les paroles disparaissaient au creux de ses oreilles dans un sifflement informe, s'atténuant jusqu'à disparaître. Son corps entier réagissait instinctivement et se gorgeait d'une haine suppurée. Peu lui importaient désormais les circonstances. On s'en prenait à Vamp. On touchait Vamp. On humiliait Vamp. Il allait saigner ces deux fils de pute.


***


La nuit était déjà bien avancée quand le barbu reprit les chemins sinueux qui menaient jusqu'au toit qui l'abritait chaque nuit. Ses pas étaient peu assurés et son équilibre approximatif. Les pupilles dilatées qu'il ouvrait sur le monde brillaient d'une intensité que tout l'alcool de poire de la taverne fréquentée un peu plus tôt n'était pas parvenu à éteindre. Son sang bouillonnait dans ses veines sans discontinuer depuis qu'il avait vu les phalanges imprimer l'épiderme sans couleur, s'échelonnant jusqu'à l'insupportable. Il avait essayé d'atténuer cette douleur pulsatile en la noyant sous des litres de liquide distillé, en vain. La rengaine sanguine poussait à ses tempes inlassablement. Elle avait disparu. Disparu. Disparu. Pour la centième fois de la journée, ses ongles écorchèrent la fine peau aux abords de ses yeux. Que ça cesse !

Les tempes de Lin étaient rougies par les assauts répétés qu'elles avaient subis à chaque minute qu'il avait passé sans trouver Vamp ou un quelconque indice lui indiquant où elle était passée. Après avoir revêtu l'impassibilité la plus parfaite pour s'extraire du guêpier que représentait le bordel, il s'était lancé à la suite de la jeune femme dans les rues de la ville, persuadé qu'il la retrouverait chez elle ou dans un lieu sûr. La menace incarnée par les deux immenses types qui l'encadraient un peu plus tôt était claire et la brune n'était pas une imbécile. Elle savait qu'elle était en danger de mort. Elle serait sans doute allée se réfugier dans un endroit où elle réfléchirait à comment se débarrasser de cette dague contre sa jugulaire.

Mais les investigation du barbu restèrent vaines. Aucune trace de la jeune femme n'avait été trouvée. Il avait fouillé la ville comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Il avait fait ouvrir chaque maison, chaque échoppe, chaque planque. Même les petites vermines avaient reçu quelques coups afin de les faire obéir plus vite. Il n'avait pas le temps d'attendre que leurs egos s'accordent. Les quartiers occupés par Valentin avaient subi le même sort. S'il avait pris plus de précautions pour éviter de voir sa couverture partir en fumée, il avait frôlé les limites de son double-jeu au plus près, quitte à mettre en danger son entreprise avec l'anglais. La vie de Vamp était en jeu, il en avait l'intime conviction et son territoire d'action ne pesait rien face au sang de la brune.

Exaspéré, il serrait les dents à s'en briser l'émail. Le dos d'une de ses mains fébriles épongea son front des perles de sueur qui le bordaient continuellement. Il était beaucoup trop agité. A l'étroit dans son corps, il sentait douloureusement pousser en lui les épines de ses émotions, oppressant sa respiration, saccadant ses gestes. Etouffé par l'entrelacs de ronces qui étreignait ses côtes, il haletait dans la nuit noire, le corps proche de l'asphyxie alors que son esprit tournait comme un rat fou dans une cage. Chaque idée était amplifiée par la désinhibition alcoolisée de son esprit et s'enchaînait à la suivante avec une acuité effilée comme une lame de cimeterre. Son corps était en proie à une panique primale.

La lumière qui filtrait sous la porte branlante qui signait le début de chez lui aviva la tension dans ses muscles noués. Quel abruti ! Il avait cherché partout sauf chez lui. Toute la ville avait été mise à sac pour la retrouver et il se pourrait qu'elle soit chez lui. Simplement chez lui. Le palpitant dans sa poitrine s'agita si violemment que ses coups imprimaient leur rythme jusqu'à l'os de ses côtes. Evidemment. Elle s'était mise à l'abri. Et quel meilleur abri que ce coupe-gorge où personne n'allait jamais ? Il se rua sur la porte avec une agilité qu'aucun ivrogne n'aurait contestée. Le poids de son corps fit couiner le battant de bois qui céda sous l'impulsion et s'ouvrit d'un bloc sur la pièce principale. Sur le feu qui brûlait dans l'âtre. Et sur Larson.

Le front plissé, il regardait Lin avec un agacement naissant. Ce grand con était encore allé boire. Il ne savait pas gérer ses émotions autrement. Il était capable d'emballer n'importe quelle nobliotte en trois phrases, de briser des genoux en quelques mouvements mais dès que des sentiments s'invitaient dans la partie, il fallait qu'il se noie. C'était ridicule. Et pitoyable. Aussi pitoyable que la loque aux yeux fous qui venait d'entrer en trombe chez lui.


Putain…

Dans un soupir irrité, l'anglais se retourna d'un bloc vers le propriétaire des lieux. Cet empaffé méritait une bonne leçon. Il disparaissait sans laisser de traces, ne le tenait que rarement au courant des avancées de leur projet commun et s'acoquinait avec la plus glaciale des femmes qu'il ait pu rencontrer. Qui avait mal fini, d'ailleurs. Il pouvait bien lui mettre les pendules à l'heure avec ça. Sournois, il plissa les yeux vers le nouvel arrivant.

T'aurais pas dû t'murger toi. T'sais qu'j'suis l'roi en matière d'séduction… J'me disais bien que ta blafarde était pas si fiable. L'a fini par s'laisser faire, la petite chienne. Et dans tes dr…

Le poing de Lin interrompit la tirade narquoise de son compère. Ses phalanges venaient de craquer contre l'os de la mâchoire anglaise, la réduisant au silence plus assurément que le meilleur des bâillons. Le barbu n'avait plus de patience. Ses nerfs à vif ne pouvaient plus rien supporter. Et certainement pas les provocations de cet enfoiré de bâtard.

Les yeux fiévreux, Lin empoigna le brun au collet avec une force d'alcoolique. Il allait le réduire en bouillie. Il avait perdu la trace de Vamp et ce rosbeef osait raconter des calomnies à son sujet ? Le corps trapu heurta le sol dans un bruit mat. La seconde d'après, le barbu était sur lui, rouant ses flancs de coups de poings violents.


Ta gueule ! Ta gueule ! TA GUEULE !

La rage qui portait les membres de Lin dépassait l'entendement. La force qu'il mettait à rouer l'anglais de coups allait finir par l'achever. La brume qui l'empêchait de réfléchir s'était encore épaissie quand ses yeux avaient trouvé Larson là où ils auraient voulu voir Vamp. Il frappait frénétiquement le bâtard qui était allé un pas trop loin. Un mot trop loin.

Les muscles brachiaux du jeune homme commençaient à s'échauffer, implorant leur propriétaire de leur accorder un répit. Il y était sourd. Larson fut leur sauveur. La douleur qui remontait de ses flancs meurtris avaient fini par tirer la sonnette d'alarme au fond de son crâne. Cet instable de français avait fondu comme de rares fois auparavant. Cette connerie de femme était un point névralgique chez lui et il en faisait à nouveau les frais. Il savait comment ce genre de choses pouvaient finir s'il ne réagissait pas. Un coup de coude précis asphyxia Lin à temps.

Suffoquant, les poings suspendus dans leur oeuvre meurtrière, il essayait de happer l'air sans succès. Les cartilages trachéaux traumatisés peinaient à reprendre leur fonction et l'anglais profita de ce cours répit pour faire rouler son assaillant sur le dos. Ses poings rageurs empoignèrent le tissu de la chemise du nouveau dominé et le secouèrent sans la moindre douceur.


Woh, woh, WOH ! Putain d'bordel de merde ! T'vas arrêter d'me saloper comme ça, fils de chienne !

Il le balança contre le sol avec une telle force que le crâne ébouriffé de Lin resta un instant inerte contre le plancher. Sonné, le barbu ne put rien répondre et regarda son compère dans un mélange de vapeurs d'alcool et d'étonnement, de colère avortée et de douleur mal passée.

Commence par fermer ta gueule. J'me f'rais jamais un truc comme c'cadavre, tu l'sais bordel ! T'perds ta tête trop souvent. Va falloir t'reprendre ou ça va mal s'passer, j'te préviens.

Il se releva avec fierté et donna un coup de pied dans le flanc de celui resté à terre, qui en grogna en se tournant sur le côté.

Va falloir qu't'apprennes à dire merci, p'tit con.

Il lui tendit la main pour l'aider à se relever, les dents serrées. Il avait de la chance qu'ils aient traversé autant de merdes ensemble. Il avait de la chance d'être efficace comme il l'était. Il avait de la chance d'avoir obtenu l'estime du bâtard. Sans ça, il serait déjà mort.

D'un mouvement de tête, le bâtard désigna les marches au barbu colérique, refermant la porte d'entrée d'un coup de pied.

Elle est là-haut, ta chienne. Et crois-moi bien qu'j'l'ai pas touchée pour l'plaisir. Elle est sal'ment amochée.

Une véritable douche froide. Toutes les brumes d'alcool se dissipèrent instantanément à l'annonce du bâtard et la douleur de son corps s'estompa aussi assurément que le brouillard dans sa tête. Elle était ici. En sécurité. Amochée, certes. Mais vivante, donc.

Le regard qu'il lança à son acolyte portait la même reconnaissance que la fois où il l'avait empêché de sauter du haut de cette tour, des années plus tôt. Viscérale. Sans plus se préoccuper de la présence de l'anglais chez lui ni des raisons qui l'avait poussé à agir pour Vamp, il grimpa les marches quatre à quatre et s'engouffra dans sa chambre, le torse bruyant.

La pièce était plongée dans l'obscurité, simplement éclairée par une chandelle laissée sur la table de nuit à proximité de la tête de lit. Le corps étendu sous les draps était immobile. D'une immobilité inquiétante. La pâleur coutumière de la jeune femme semblait encore accentuée et sa respiration quasi-inexistante. Si le drap n'était pas si finement posé sur son buste, Lin l'aurait crue morte. Il s'approcha du lit avec une lenteur caractéristique des plus grands silences, comme s'il craignait que ses pas puissent la réveiller. D'un mouvement, il approcha une chaise du côté du matelas et se laissa tomber sur l'assise boisée, instantanément et incompréhensiblement vidé de toute force.

Elle était là. Juste là. Devant lui. Dans son propre lit. La trace d'une vilaine plaie était visible à l'angle de son crâne et son teint était inquiétant mais elle était physiquement là. Elle n'avait pas disparu. Un hoquet de soulagement souleva le torse masculin mais ses joues restèrent sèches. Il étendit une main jusqu'à celle du corps étendu sous ses yeux, son esprit abîmé dans une pensée unique, aussi unique que la lueur qui perçait les ténèbres de la chambre. Il ne pouvait pas la perdre à nouveau.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeDim 5 Juil - 11:12

Il n'y avait ni lumière blanche ni douce chaleur réconfortante. Juste le noir le plus profond et un martellement douloureux qui frappait son crâne.

La première chose que Vamp ressentit lorsqu'elle commença à s'éveiller fut le contact des draps sur sa peau. C'était doux et chaud. Une douceur bien vite percutée par la douleur. Sa tête, ses côtes, sa hanche. Renversée par une charrette et s'en sortir à si bon compte... elle ne savait pas encore à quel ange elle devait ce miracle. Il allait falloir qu'elle se renseigne. La douleur en question dessina un pli entre ses sourcils noirs, premier signe qu'elle émergeait du gouffre obscur de l'inconscience. Elle bougea très légèrement la tête mais sa nuque protesta, l'empêchant instinctivement d'ouvrir les yeux. Elle avait la désagréable sensation d'être une poupée désarticulée.

La seconde chose fut l'odeur. Une odeur qui lui noua le ventre d'une anxiété pire que la douleur. Le rythme de ses battement de cœur s'accéléra. Son inconscient s'était senti si bien à son réveille, si en sécurité, qu'elle avait été persuadée de s'être retrouvée sous le toit familial de son oncle. Mais cet arôme n'aurait jamais pu la tromper. C'était l'odeur des draps de Lin. Des poutres de la chambre de Lin. Et cette inspiration le son du souffle de Lin.

La dernière fois qu'elle s'était trouvée sous ce toit, enveloppée par cette odeur qui parvenait à la rassurer du plus violent des cauchemars, elle avait essuyé une haine et des hurlements qui stagnaient encore dans le creux de son ventre. Elle ne voulait pas être là. Elle ne voulait pas être près de Lin. Elle ne voulait pas qu'il hurle de nouveau sur elle. Elle ne voulait pas revivre cette horreur.

Ses yeux s'ouvrirent d'un coup. Sans papillonner ni ciller. Elle était enveloppée par des draps imprégnés par leur essence, à tous deux. Des draps qui les avaient lovés l'un contre l'autre toutes les fois où le jeune homme s'était approprié son corps brûlant. Un oreiller que Vamp avait empoigné sous les délicieuses vagues de plaisir qu'il avait fait naître en elle.

Peut-être qu'elle avait péri finalement et que c'était là son enfer. Passer l'éternité dans un lit où elle s'était sentie aimée et s'était royalement leurrée.

Ça aurait été un coup de maître du Diable. Mais l'odeur d'onguent qui lui parvenait et la sensation désagréable qui poissait son front l'assurait qu'elle était bien vivante. Le Malin n'était pas assez généreux pour tenter d'apaiser la douleur physique. Et les yeux noisette qui l'observaient étaient bien réels.

Bon dieu mais que foutait-elle dans le lit d'un homme qui n'avait aucune confiance en elle ?

Tout son corps protestait au moindre de ses mouvements, l'empêchant de fuir. Pourtant, si la douleur physique était bien palpable, l'angoisse de se retrouver face à Lin était bien plus violente, et la peur prit le dessus. Elle fallait qu'elle dégage de là. Il n'avait pas encore bougé et la regardait fixement. Il fallait qu'elle le prenne de vitesse, qu'elle parvienne à la porte avant qu'il n'ouvre la bouche pour lui cracher de nouvelles raisons de la détester et briser le peu qu'il lui restait encore dans le coeur. C'était de la survie.

Elle repoussa les draps et se redressa sur la couche, prête à se lever, lorsque la nausée remonta le long de la gorge, déclenchée par un mélange de douleur physique et d'anxiété morale. Elle n'eut pas le temps de se contrôler.

Agitée par de violents hoquets, Vamp se pencha dangereusement vers l'avant et laissa ses intestins se vider sur le sol, au pied de la table de nuit. Le buste brutalement comprimé puis libéré s'agita encore quelques secondes. La compresse poisseuse était tombée, perdue dans le désordre des draps. Vamp toussa alors que ses yeux se brumaient de larmes. C'était un symptôme qu'elle avait depuis toute petite lorsqu'elle vomissait. Petite fille, son père la trouvait toujours en larmes, tremblante de sanglots devant le minuscule magma à ses pieds, comme si elle venait de faire la plus grave des bêtises. Des années plus tard, Vamp ne sanglotait plus mais ses cils noirs restaient perlés de larmes salées.

Une toux âcre la secoua quelques secondes avant qu'elle ne se redresse.


- Qu'est ce que... t-tu veux ? Je fais quoi ici ? Et p-pourquoi tu m'as amenée là ? Tu veux quoi de moi ? Je v-v-veux pas r...

Désorientée, elle mena une main instinctive à son front, là où la douleur était la plus tranchante. Ses doigts s'enfoncèrent dans la pellicule collante de l'onguent qui recouvrait la plaie. Pourquoi la soigner ? Pour mieux lui hurler dessus après ? Il fallait qu'elle parte.

Elle se leva mais ses jambes se dérobèrent. La douleur fut sourde, assez pour qu'un léger son ne franchisse ses lèvres sèches. Déséquilibrée, elle se sentit chuter et s'appuya par réflexe sur la table de nuit, renversant l'onguent et la chandelle sur le sol. Le coude appuyé sur le rebord de la petite table, ses jambes refusaient de la soutenir et restaient plier sous son corps, épuisées. La jeune femme s'adossa contre le bord de la couche, haletante, un bras tendu vers Lin pour l'empêcher d'avancer vers elle.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeMer 8 Juil - 13:09

De surprise, il haussa les sourcils. Elle venait de vomir à ses pieds, quelque part entre le bout de ses bottes usées et les pieds de la table de chevet. S'il avait été extra-lucide, il aurait compris qu'il y avait une part de révulsion dans cet acte spasmodique. Il n'était pourtant qu'humain, avec un léger bagage en soins. Il mit donc ce rejet stomacal sur le compte de la douleur inhumaine qui devait lancer les nerfs de la jeune brune.

A son front plissé succédèrent ses sourcils froncés et l'ébauche d'un mouvement vers elle pour la soutenir. Elle essayait vainement de se lever alors que ses jambes ne pouvaient pas la porter. Ses épaules le pourraient. Mais l'alarme dans ses mots et le bras défensif qu'elle avait levé devant elle annihilèrent toute velléité de contact chez le barbu. Elle le tenait loin d'elle volontairement.


Tu ne devrais pas bouger autant.

Arrêté physiquement par l'attitude fermée de Vamp, Lin ne pouvait cependant pas s'empêcher d'essayer de la protéger. Il ne savait pas ce qui lui était arrivé un peu plus tôt et n'avait pu en voir que la vilaine plaie qui barrait le front blanc. Si Larson l'avait bien "ramassée" comme il le prétendait, elle avait dû heurter le sol de plein fouet, tête plus ou moins en piqué. Et ce n'était certainement pas la faute d'un pavé mal aligné. Les deux gorilles qui l'avaient suivie à la sortie de cette salle d'interrogatoire ne devaient pas y être pour rien. Il n'avait pas poussé plus avant la palpation du corps blafard, craignant de réveiller d'importantes douleurs chez son propriétaire mais il restait convaincu qu'elle avait été passée à tabac.

Mais ses investigations devraient attendre. L'air apeuré qu'il voyait sur les traits de la brune et le ton presque agressif qu'elle utilisait dénotaient le malaise qui était le sien. Comme un animal acculé, elle montrait les dents pour empêcher qu'on l'approche. Si elle n'avait pas l'intention de mordre a priori, elle n'hésiterait pas à le faire si on ne lui donnait pas une porte de sortie.

La gorge de Lin s'assécha à ce constat. Ses mâchoires s'enclenchèrent par réflexe sur la peau de sa joue et son regard perdit l'intensité pleine d'espoir qui l'avait habité quand elle avait fini par ouvrir les yeux. Elle avait peur. Au beau milieu de sa chambre et en sa seule présence, elle était terrifiée. Pas besoin d'être extra-lucide pour comprendre, cette fois. Il l'inquiétait. Lui. Pas l'épisode qui l'avait menée ici ni la raison de la douleur à sa tempe. Uniquement lui. Son coeur sauta un battement, l'obligeant à déglutir pour masquer le souffle court qu'il avait créé.

Comment était-il possible qu'elle soit si horrifiée par sa simple présence ? Il ne l'avait jamais mise en danger. Il n'avait jamais abusé de ses faiblesses pour la planter. Elle n'avait rien à craindre de lui. Douché, il se redressa en silence et se leva pour contourner la chaise sur laquelle il était assis un instant plus tôt. Le corps paisible dont il avait jalousement tenu la main durant quelques heures cette nuit-là se trouvait agité devant lui, la paume bien loin de vouloir se loger dans la sienne. Il appuya ses deux mains sur le dossier de la chaise et reporta son regard sur la jeune femme.

L'alcool et ses vapeurs avaient reflué doucement mais une chape de plomb les avait remplacés. Il était assommé par l'idée qu'il lui fasse peur et les gouttes de distillat de poire accentuaient chacune de ses émotions. La fatigue chaperonnait le tout et accélérait ses changements d'état. Il lui faisait peur et elle le rejetait avec une force digne d'un réflexe viscéral. L'upercut était bien plus violent que si ses phalanges avaient heurté sa mâchoire. L'ignorance des raisons de cette mise à distance envenimait la désagréable sensation qui fourmillait dans le torse masculin et ses doigts se resserrèrent contre le dossier de bois. Pourtant, sa voix ne trahit aucune irritation. Elle ne portait que l'impuissance face à ce qu'il ne comprenait pas.


Je veux m'assurer que tu ailles bien. Je n'attends rien qu'un rétablissement. Je… j'ai…

Il soupira, soudain las. Comment lui dire ce qu'il avait traversé en douze heures alors qu'elle n'avait même pas conscience de ce qu'il lui était arrivé et lui non plus ? Il courba l'échine en passant une main sur sa nuque, ses nerfs se dérobant les uns après les autres, en pleine décompression après l'intense inquiétude ressentie un peu plus tôt. Il releva des yeux étrangement calmes sur elle et esquissa l'ébauche d'un sourire. Elle était vivante, après tout. C'est ce qu'il avait espéré le plus. Il n'avait qu'à s'en réjouir et attendre que l'alcool passe avant de réfléchir au reste.

D'un haussement d'épaules, il se redressa, l'esprit anesthésié par les vapes restantes, libérées à l'ensemble de ses pensées, déshinibantes.


J'ai eu peur, c'est tout.

Il lui sourit doucement, comme on sourit à un enfant à qui l'on avoue quelque chose dont on espère qu'il nous pardonnera. Sa colonne vertébrale se déplia totalement alors qu'il lâchait le dossier de sa chaise et il prit le chemin de la porte, se retournant sur le seuil.

Repose-toi, d'accord ? Je te monterai de quoi manger un peu plus tard.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeVen 10 Juil - 8:07

Ses grands yeux noirs bien ouverts, elle le suivit du regard comme un hibou un soir de pleine lune, jusqu'à ce qu'il disparaisse au rez-de-chaussée. Il n'y avait eu ni colère ni amertume dans le son de sa voix. Aucune raideur entre ses omoplates ni poing serré. Interloquée, sa tête brune se pencha sur le côté, le regard toujours rivé sur la porte, comme un chat qui s'interroge.

Comment pouvait-on avoir peur pour quelqu'un que l'on déteste ? Et pourquoi l'avait-il ramenée ici, chez lui ? Pourquoi la soigner ?

Un violent élancement à la tête trancha toutes ces questions. Elle ferma les yeux pour soulager la douleur de ses tempes. Elle ne se sentait pas la force de se relever sur ses jambes pour s'allonger de nouveau sur la couche douillette du jeune homme. Pas tout de suite. Elle voulait garder les yeux clos encore quelques minutes, le temps que le mal s'estompe. Juste deux ou trois minutes de plus...

La douleur l'assomma. Elle s'était à peine fait la réflexion que Lin était vraiment un homme séduisant le sourire aux lèvres, que sa tête s'appuya sur le rebord du lit avant de sombrer de nouveau dans l'inconscience.

***

Assise douloureusement dans le lit, l'écuelle sur ses genoux, Vamp avait commencé par manger sa part de gâteau du bout des lèvres. C'était l'un des rares vestiges de son éducation poudrée. Fenrir adorait se moquer d'elle à ce sujet et ne s'en était surtout pas restreint ces trois dernières années qu'il avait passées avec elle sur les routes. Elle avait l'étrange habitude de se nourrir par petites bouchées, émiettant parfois sa nourriture du bout de ses longs doigts effilés. On lui avait sévèrement appris que mâchouiller comme une vache était la pire des vulgarités. Ce grignotage n'était pas une coquetterie pour Vamp, mais une habitude bien ancrée dans son quotidien.

Pourtant, l'arôme du sucre qui se rependait dans sa bouche l'enivra. Elle s'était très peu nourrie ces trois dernières semaines, juste assez pour survivre et rester sur ses jambes, et elle avait perdu du poids, elle le sentait lorsqu'elle se déplaçait. À la première bouchée du gâteau que Lin lui avait ramené, elle comprit qu'elle était en fait affamée. La part engloutit gonflait sa joue blanche pendant que la jeune femme mastiquait, avalant des morceaux énormes et arrosant de lait pour faire passer le tout.

La jeune brune s'était éveillée quelques heures plus tard, la joue moelleusement lovée dans l'oreiller de plume. Enveloppée dans les couvertures, son corps avait délicieusement chauffé les draps pour l'emmitoufler dans un cocon de chaleur. Elle se serait presque étirée langoureusement comme une chatte encore toute ensommeillée si ses os n'avaient pas violemment protesté.

Elle se souvenait parfaitement s'être endormie sur le sol. Cela signifiait que son corps avait encore assez confiance en Lin pour ne pas réveiller son instinct lorsqu'il l'avait touchée pour la recoucher. Ainsi, seule sa tête se méfiait à l'encontre du jeune barbu... ?

Le sucre la réveilla assez pour qu'elle lui raconte son accident, entre deux bouchées et respirations de nageuse en apnée. Ses doigts étaient tout collants mais ne l’empêchèrent pas de se servir une troisième part sans la moindre hésitation. Elle lui relata tout. Les deux hommes, la bousculade, la charrette, les chevaux, la douleur, tout y passa. Vamp devenait bavarde lorsqu'une dose plus importante de sucre se mélangeait à son sang. Le récit se déroula pendant quelques minutes, seulement entrecoupé par les rares instants où elle reprenait sa respiration ou les pauses qui lui permettaient d'enfourner un nouveau morceau de gâteau sucré dans la bouche.


- Je ne pense pas que c'était calculé de leur part.

Elle jeta un petit coup d'oeil discret à Lin avant de reporter vivement son attention sur les miettes de gâteau qui lui avaient sournoisement échappé. Si sa tête se méfiait des quelques mètres prudents qui les séparaient, son corps commençait à réclamer celui du grand barbu. Un oreiller calé dans le creux de son dos, elle s'obligea à rester droite sans se soumettre aux désirs de son instinct.

- Si Valentin avait vraiment voulu m'éliminer, il l'aurait fait devant vous tous. J'opterai pour un simple accident, une simple...

Ses doigts se portèrent à la plaie de sa tête, grattant du bout des ongles une peau abîmée qui commençait à la démanger.

- … maladresse de ces gorilles.

Vamp se pencha de nouveau pour s'accaparer une nouvelle part lorsqu'une évidence suspendit son geste. Elle avait engloutit plus de la moitié du gâteau. Honteuse, elle ramena ses mains sur ses cuisses alors qu'un timide regard d'excuse se leva vers les yeux noisette de Lin.

- Hm.

Embarrassée, la jeune brune changea de position sur la couche, appuyant doucement sa main sur ses côtes pour étouffer la douleur de ses os. Sa voix s'éleva de nouveau, plus réservée.


- Dis... Je n'ai pas compris. Pourquoi t'as eu peur ?
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeVen 17 Juil - 9:38

Il la regardait engloutir le gâteau qu'il avait préparé avec l'impassibilité d'un moine. Elle se goinfrait. Littéralement. Les morceaux dépassaient largement la taille de sa bouche et sa gorge peinait à accueillir autant de matière d'un coup. Il était persuadé que c'était ainsi qu'on pouvait mourir étouffé sans avoir aucun ennemi.

Attentifs, ses yeux suivaient les trajets de la nourriture avec une curiosité teintée d'incrédulité. Comment était-ce possible ? Elle qui ne mangeait que par émiettage était en train de se bâfrer. Quelque chose clochait. Certes, il avait mis la dose de sucre et elle adorait ça. Avec le pot de miel qu'il avait pris soin de déposer à côté d'elle, il était évident que c'était un met irrésistible pour elle. Mais de là à se gonfler l'estomac de la sorte… Les trajets continuaient, ses yeux allaient et venaient.

La fatigue aidant, il avait perdu la notion des quantités déjà incorporées dans la pâte. Et ce n'était pas Larson qui allait l'aider. Goguenard, il le regardait s'enfariner les mains et mélanger les ingrédients.


- T'es bien sûr qu'elle vaut ça, ta femm'lette ?

- Je te conseille de baisser le ton. Même avec des côtes cassées, elle te foutrait le nez en l'air pour ce simple terme.


L'anglais leva les yeux au ciel. Cet imbécile de barbu la sur-estimait clairement. Cette espèce de mante religieuse en manque de soleil se briserait un os avant de pouvoir atteindre un de ses cartilages. Il allait falloir qu'il le comprenne un jour. Mais pas ce matin. Il était trop tôt et il avait trop sommeil. Il écrasa un bâillement dans sa main et se redressa pour quitter sa chaise.

J'te laisse jouer la p'tite femme. J'sens des effluves d'vraies gonzesses vers ton canap', j'vais aller y j'ter un oeil.

Le barbu continua à pétrir la pâte pendant que le bâtard s'installait pour un petit somme. Il n'était même pas sûr qu'elle puisse manger. Avec des côtes brisées, même respirer devenait douloureux. Alors manger. Il haussa les épaules pour lui-même et rajouta du sucre. Il verrait bien.

Et visiblement, il avait eu tort. Les apnées qu'elle s'infligeait pour engloutir ses parts disproportionnées mettait à mal son expérience sur les os thoraciques brisés. Ou sur la résistance de Vamp à la douleur. Quand il s'agissait de sucre, rien ne l'arrêtait. Mais le plus inquiétant aux yeux de Lin était la quantité. Elle n'ingérait jamais autant d'aliment en une seule fois. Si lui se remplissait la panse sans rechigner, elle se contenait de grignoter. Et la part qui venait de disparaître entre ses lèvres contredisait largement cette théorie. Quelque chose clochait vraiment.


Vamp, tu crois pas que…

Elle venait de s'arrêter et le regard qu'il intercepta était sans équivoque. Si, elle devait croire que. Un vague sourire amusé flotta sur les lèvres du jeune homme et il se contenta de hausser les épaules. Qu'elle mange, après tout. Si elle avait faim…

Il allait commencer à s'interroger sur les raisons de cette faim subite quand la question de la jeune femme interrompit net ses digressions mentales.


Bah…

Ca lui paraissait évident. Il ne voyait pas ce qu'il y avait à comprendre ou non. ll avait eu peur pour elle. Peur qu'elle ne se soit faite enlevée, violée, assassinée. Peur qu'on l'ait faite disparaître. Peur qu'on l'ait supprimée. Il chassa le dramatique de ses pensées pour simplifier son discours.

T'es sortie de là-bas avec deux gorilles sur tes talons. Pas des petits bambins qui veulent jouer. J'ai passé la journée à te chercher sans te trouver. Les liens logiques étaient effrayants. Je me suis dit que… enfin… j'ai eu peur que…

Il soupira.

J'ai paniqué à l'idée de te voir disparaître à nouveau.

Il se tut et porta son attention sur elle, la regardant un long moment en silence, ses yeux scrutant ses traits comme pour les imprimer dans sa mémoire. Ce visage laiteux et ces yeux sombres représentaient pour lui bien plus que ce qu'il ne disait. La peur viscérale qu'il avait ressentie n'en était que preuve. Et le soulagement en la voyant étendue là et vivante le corroborait. Il tenait à elle comme à personne d'autre.

Une intense sensation de manque perça alors son torse, se rappelant douloureusement à lui. Il ne l'avait pas touchée depuis au moins trois semaines. Et elle était assise dans son lit, ses draps tirés jusqu'aux hanches, son oreiller au creux de ses reins. C'était un comble. Porté par un instinct plus impérieux que sa raison, il se leva de sa chaise et s'approcha du bord du lit. Ses mains s'enfoncèrent dans le moelleux du matelas et il s'avança lentement vers elle, ses yeux quittant un instant les siens pour glisser vers ses lèvres. Il avait terriblement envie de les goûter.

Mais elle n'était pas de cet avis. L'infime mouvement de recul qu'elle amorça alors qu'il s'appuyait sur la couche s'affirma à mesure que son torse avançait vers elle. Elle se dérobait. Le barbu n'eut pas le temps d'en prendre conscience, à demi penché vers elle, le corps faisant presque écran à la porte. Le ton railleur s'éleva, proche de la moquerie.


T'croyais pas récolter les fruits d'mon boulot quand même ?

Lin s'immobilisa en fermant les yeux dans un mélange de honte et d'exaspération. Quel bâtard. Il tourna la tête par-dessus son épaule pour regarder l'anglais qui se tenait dans l'embrasure de la porte, l'air visiblement amusé par la situation.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeSam 18 Juil - 12:13

Un mauvais scepticisme s'insinua entre les vertèbres de la jeune brune. Un regard impénétrable répondit aux explications de Lin. Si Vamp était une femme, elle avait une logique d'animale et n'observait que rarement les choses sous la carte du sentiment. Elle grognait plus qu'elle ne s'exprimait et haussait les épaules plus qu'elle ne se justifiait. Or, aux yeux de la jeune femme, la justification de l'abruti barbu qui lui faisait face ne valait pas un bon haussement d'épaules. Beaucoup de mots, de longues phrases. Doute. Scepticisme. Échec. Il aurait vraiment dû hausser les épaules.

Non, il n'y avait pas de liens logiques entre sa peur et les mots qu'il lui avait jetés à la figure trois semaines plus tôt. Pourquoi s'en faire pour elle si, comme il semblait le penser, elle était une taupe qui ne vivait que pour le trahir lui ? Les pensées de Vamp n'étaient ni acerbes ni ironiques. Elle tentait de comprendre le cheminement de sa réflexion de mâle... et n'y comprenait rien. Non, il n'y avait pas de logique. Absolument aucune logique.

Et la jeune femme en souffrait. C'était moralement dur de suivre Lin. Elle n'avait pas l'habitude de ressentir autant de choses contradictoires. Et encore moins que le barbu en soit la cause. Il était plus souvent un refuge qu'une source de martellement psychologique. Elle était perdue.

Or un animal perdu commence par se méfier. Et c'était bien une première pour Vamp : se méfier de Lin.

C'est lorsqu'il s'approcha d'elle qu'elle comprit enfin. Mais oui ! Il voulait l'embrasser ! Il voulait sa bouche ! C'était la raison pour laquelle ses paroles étaient en totale contradiction avec ses hurlements antérieurs. Un petit sentiment d'autosatisfaction gonfla dans le buste de la jeune femme. C'est qu'elle en faisait des progrès en psychologie masculine.

C'était une situation plus que délicate. Jamais, elle n'avait éconduit Lin. Mais elle n'avait pas du tout envie de lui abandonner ses lèvres. Et Vamp ne faisait jamais ce dont elle n'avait pas envie de faire. Fenrir avait été le premier garçon à l'embrasser. Elle avait trouvé ça particulièrement inintéressant et sans saveur. De deux ans plus âgé qu'elle, le gamin n'avait pas été de cet avis et avait tenté une seconde approche. Il avait fini le nez dans le purin sans même qu'elle se donne la peine de formuler le moindre avertissement.

Mais il n'y avait pas de fumier dans le coin. Et puis, c'était Lin, quand même. Pas ces stupides yeux bleus de cet abrutis de valet d'écurie. Le cerveau de Vamp tiqua. Lin était un paysan. Hiérarchiquement parlant, le valet d'écurie avait plus d'importance que le paysan. C'était un excuse plus que bidon. Si elle ne voulait pas enfouir le nez du jeune homme dans un tas conséquent de fumier, c'est qu'elle en pinçait vraiment beaucoup pour ce monsieur à barbe.

Son regard se porta sur les lèvres de Lin. Mmh oui, vraiment beaucoup. Elle déglutit, partager entre l'envie d'incliner la tête pour lui violer volontiers la bouche ou écouter sa raison et le repousser.

Mais Lin l'avait profondément blessée et le choix ne fut pas si difficile. Elle pensait toujours ce qu'elle lui avait chuchoté. Elle ne le méritait pas, ne méritait ni son attention ni ses lèvres. Et même s'il semblait plutôt disposé à son égard à cet instant, elle ne voulait pas prendre le risque de le voir s'emporter à son égard dans quelques heures. La peur qu'il avait eue pour elle allait bien finir par s'estomper et son comportement envers elle allait suivre.

L'éconduire, donc. Mais en délicatesse.

Elle avait réussi à repousser l'instant fatidique en s'enfonçant lentement dans l'oreiller à mesure que la bouche de Lin s'approchait d'elle. Tout semblait se passer au ralenti. Ralenti qui se brisa brusquement quand elle appuya ses doigts froids sur le menton du jeune homme d'un geste volontaire.


- Hm. Non ça ira, merci.


La voix railleuse s'éleva presque aussitôt, comme une réponse à ses propres paroles. Le corps de Vamp se raidit immédiatement. Elle n'avait pas l'habitude qu'une tierce personne s'infiltre entre Lin et elle. Son instinct se hérissa. Un intrus sur leur territoire. Qui ? Pourquoi ? Et surtout, comment ?

Mais cette voix l'informa presque aussitôt de l'identité de cet intrus. Un goût amer brûla sa gorge. Lin n'avait pas tardé à la remplacer finalement, il s'était trouvé un colocataire plutôt rapidement. Ah il avait paniqué ? Sans rire...

Il était hors de question de rester allongée dans cette position de faiblesse sous les yeux de Larson. L'orgueil blessé, Vamp se redressa sur la couche pour sortir du lit et se relever. Son buste avait soigneusement évité Lin et son regard obscur était planté sur la silhouette qu'encadrait la porte. C'était comme si le barbu n'existait plus.

Ses os protestèrent mais elle tint bon, aussi droite que l'acier, le regard implacablement tourné sur le visage de Larson. Aucun mépris ni animosité. Une neutralité aussi lisse qu'une couche de neige un matin d'hiver. Ses pas à peine chancelants l'éloignèrent de Lin pour l'approcher de cet Anglais qu'elle rêvait d'étriper. La tête brune s'inclina sur le côté, étudiant minutieusement le visage qui lui faisait désormais face comme si elle calculait son degrés d'attraction en fonction de ses propres critères. Son visage lisse finit par tiquer alors qu'une étrange lueur s'alluma dans le fond de ses yeux.


- Je n'embrasse malheureusement pas les gueules cassées.


Vamp luttait. Son corps si droit commençait à plier légèrement sur le côté gauche, là où son corps avait lourdement heurté le sol. Elle voulait aller se rallonger mais il étai hors de question de se retrouver au lit sous les yeux d'un individu qui n'était pas Lin.

- Quel boulot ?
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeMer 22 Juil - 16:48

La trace fraîche laissée par le passage des doigts blancs sur son menton rappelait à Lin combien cette éviction avait été réelle et volontaire. Il resta un instant bloqué dans l'absurde position qu'il avait prise à force de s'avancer vers la jeune femme qui se dérobait. Les bras tendus pour ne pas basculer vers l'avant, le torse à demi-incliné vers les oreillers, seul son cou s'était détendu pour que sa tête puisse tourner librement. Il venait de se faire royalement repoussé par Vamp. Sous les yeux de Larson. Le coup porté à son orgueil était particulièrement incisif.

Il déglutit pour essayer de ne pas perdre contenance et se laissa retomber sur son séant, s'enfonçant légèrement dans le matelas. Bon. Visiblement, elle avait quelques griefs à son encontre. Et pas des moindres s'il en croyait la détermination qu'elle avait mise à se soustraire à lui. Il jeta un oeil au creux laissé par son dos dans l'oreiller. Elle avait dû se reculer suffisamment longtemps pour que Lars voie tout. Il ferma les yeux de dépit. Il allait y avoir droit pendant encore un long moment.

Dans une profonde inspiration proche de la bouffée d'air salvatrice, il se redressa avec le peu de fierté qui lui restait, près à encaisser toutes les railleries de son camarade brun. Mais Vamp avait déjà accaparé son attention. Un temps de répit pour Lin.

De répit, ou d'animation s'il avait prêté attention à l'attitude de l'anglais. Le sourire narquois qui ourlait ses lèvres ne laissait rien présager de bon. Ni le mouvement qu'il effectua pour se détacher de l'embrasure de la porte après les mots de la jeune femme.


T'en fais pas ma poule, j'comptais pas t'laisser approcher.

Il lui lança un sourire équivoque en s'approchant d'elle, l'air assuré.

J'fais pas dans les cassées non plus…

Se disant, il appuya son index tendu contre la compresse qui recouvrait la blessure de son crâne. L'air faussement innocent, il inclina la tête.

Oh ? C'est là, hein ? Ou alors…

Cette fouine avait des capacités d'observation qui défiaient toute concurrence. Il était redoutable quand il s'agissait de clientes, pire encore quand il s'agissait d'ennemi. Si Lin semblait particulièrement attaché à cette mante religieuse, lui n'avait aucun lien avec. Et ne comptait pas en créer. Son index alla pousser presque délicatement sur les côtes brisées qui faisaient douloureusement pencher la jeune femme.

… ce s'rait là ? Mince alors, ça fait beaucoup.

Il afficha un air d'excuse très mal imité alors qu'il se campait face au visage lunaire. Vamp n'avait pas l'air d'apprécier cette soudaine proximité et tout son corps hurlait la répulsion. Pourtant, l'anglais paraissait très à son aise. Sans plus la toucher, il esquissa un sourire fiérot et croisa les bras.

A la p'tite cuiller, l'boulot. Pour bien tout ramasser. D'tes p'tites côtes, là jusqu'à ta p'tite tête et même tes jambes d'saut'relle envahissante.

Il constatait avec une satisfaction évidente que la jeune femme ne savait pas qu'il l'avait ramenée ici. Lui. Pas Lin. Son sourire prit encore un peu plus d'assurance.

J'm'étais dit qu'j'allais pouvoir grailler là-d'ssus pendant un bout d'temps pour r'merciements. Pis après j't'ai vue d'près, m'suis dit qu'c'était p'têtre pas la meilleure idée qu'j'ai eue.

Il haussa les épaules, comme en plein cheminement de ce qui l'avait fait la ramener ici.

Alors j't'ai ram'née là. C'bouffon allait forc'ment trouver un intérêt à t'avoir là. J'pensais pas qu'l'allait tenter d'me prendre mes lauriers, l'saligot.

Une teinte de franchise ombra son sourire alors qu'il regardait le dos de Lin, encore pitoyablement assis sur la couche. Cet imbécile était beaucoup trop sentimental. Elle allait le bouffer. Il fallait qu'il le défende. Ses orbites revinrent vers le visage blanc, beaucoup plus sérieuses.

T'comptes dire merci à ton sauveur j'espère…
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeJeu 23 Juil - 13:14

Une vague d'animosité enfla dans la cage thoracique de la jeune femme. Quelque chose de mauvais, d'une échelle presque identique aux émotions qu'elle avait ressenties lorsque Valentin l'avait giflée. Seule la douleur l'avait empêchée de sauter à la gorge de ce bâtard dans la seconde.

Ce fut un mélange serré de ressentis. D'abord, l'évidence que Larson la touchait sans la moindre gêne, sans la moindre retenue et avec une familiarité que même Lin ne s'était autorisé que de longues semaines après leur première nuit. Même si le tissu séparait le doigt intrus de sa peau, le geste restait, s'ancrait, dans la chair blanche de la jeune femme.

Ensuite, l'amertume d'un orgueil blessé. Savoir qu'elle avait une dette envers cette fiente ne l'enchantait pas. Pas du tout. Mais qu'il la prenne ainsi de haut et qu'il crache sur la main amicale qu'elle lui avait exceptionnellement tendue était la goutte acide de trop.

Puis, la douleur. Bien physique, bien palpable. Il lui faisait mal. Il lui assénait volontairement une douleur qu'il savait accentuer à défaut de faire naître. C'était méchanceté et mépris. Vamp réagit comme tout animal aurait réagit.

En un cillement, toute la physionomie de Vamp changea. Son regard se durcit alors qu'une lueur opaque et mauvaise acéra ses pupilles. L'adrénaline de l'affront anesthésia la douleur durant quelques secondes. Suffisamment longtemps pour accorder à Vamp une force qu'elle n'avait plus.

Elle comptait bien le remercier. L'impulsion de la colère l'arracha au poids terrestre et ses deux mains empoignèrent la chemise de l'homme, l'obligeant à reculer de quelques pas avant de tout simplement le repousser dans les escaliers. Le corps dégringola dans un bruit sourd, les marches craquant allègrement sous le poids de la silhouette trapue, puis plus rien.

Vamp venait de se débarrasser de lui aussi simplement et naturellement qu'elle l'aurait fait d'un sac de linge sale. Et pas la moindre once de remord ne planait sur sa conscience. Elle en avait ras le bol qu'on vienne l'emmerder.

Le visage sombre et le regard agacé, elle se retourna vers la pièce lorsque que les yeux de Lin l'arrêtèrent. Une nouvelle fois, sa physionomie changea. Sa colère s'envola aussitôt. Ses traits perdirent instantanément de leur dureté et ses pupilles s'adoucirent avec une lueur de tendresse qui ne répondait pas du tout à son refus quelques minutes plus tôt. Elle était en train de fondre. Consciente qu'elle était à deux doigts de craquer pour les beaux yeux du jeune homme, Vamp détourna pudiquement le regard, ses longs cils noirs couvrant ses iris fuyantes pendant qu'une voix faussement innocente se justifiait.


- Hm. Il a trébuché tout seul...
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeLun 27 Juil - 16:22

Son sauveur. Qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre. Les yeux du barbu se fermèrent un court instant, le temps pour lui de prendre une brève inspiration. Qu'il reste calme. Vamp venait de le repousser, sous les yeux de Larson et ce dernier enfonçait le clou. S'il ne prenait pas sur lui, Lin allait laisser son poing se charger du foie de son acolyte. Il avait suffisamment honte pour ne pas avoir les nerfs d'admettre tous les affronts que l'anglais lui faisait l'air de rien. Un petit coup sur ses intentions charnelles déplacées, un petit coup sur son mérite, un petit coup sur sa sympathie. Et un petit coup dans sa gueule, pour la route ?

Le jeune homme perdit patience et se retourna d'un bloc, prêt à faire taire l'anglais lui-même.


Elle n'a pas à…

Le silence lui fut imposé par le déchaînement de craquements des escaliers sous le poids du brun. Les yeux de Lin s'écarquillèrent à mesure qu'il imaginait le corps rouler jusqu'en bas et il plissa le nez en entendant le dernier choc, un peu plus mat que les précédents. S'il ne doutait pas que le bâtard serait relevé avant même qu'il ait le temps d'aller vérifier son état, il était persuadé que son dos lui rappellerait la chute un long moment.

- Hm. Il a trébuché tout seul…

L'incrédulité s'étala quasi instantanément sur les traits du barbu. C'était impossible. Larson n'était pas un empoté et même s'il n'était pas un as du corps à corps, il avait une maîtrise de lui-même qui lui interdisait ce genre de chute ridicule. Cela ne faisait aucun doute pour Lin. Son compère n'était pas tombé accidentellement. Et si ce n'était pas accidentel…

D'un mouvement souple, il sauta à bas du lit et s'avança jusqu'à hauteur de Vamp. Sa voix ne portait pas de reproche ni même de colère. Elle était vaguement teintée d'assurance.


Tu plaisantes ? Tes côtes doivent te rappeler combien tu mens.

Il lui signifia d'un signe de tête qu'elle ferait mieux de se remettre au lit si elle ne voulait pas finir aussi étalée que celui qu'elle venait de renvoyer un étage plus bas, la douleur de sa cage thoracique comme bourreau. En quelques pas, il glissa la tête par l'embrasure de la porte pour regarder au bas des escaliers. Le bâtard n'était plus là. Un léger sourire étira le coin de la bouche du jeune homme. Comme prévu, cet empaffé s'était vite relevé. Et Vamp allait avoir du fil à retordre avec, désormais. Il n'était pas conciliant sur ce genre de choses.

Le barbu prit soin de descendre quelques marches branlantes pour s'assurer que celui avec qui il partageait son quotidien depuis de longues années n'était pas trop salement amoché. Un coup d'oeil à travers la rambarde l'assura de l'état de l'anglais. Penché vers l'avant, il tentait visiblement de calmer la douleur de ses lombaires. Ses mains massaient sa nuque et le jeune homme l'entendait fulminer tout seul. Son sourire progressa sur ses lèvres. Première fois qu'il se prenait une leçon par une femme. Et par le sienne. Etrangement fier, Lin remonta à l'étage en trottinant. Il n'était plus seul à avoir l'ego meurtri.

Il enfonça ses mains dans ses poches en appuyant son épaule contre le chambranle de la porte et porta un regard presque doux sur la jeune femme.


Tu sais vraiment pas te faire des amis…

S'il s'était écouté, il se serait avancé sur le matelas jusqu'à l'allonger en la recouvrant de son torse, prêt à se frayer un chemin entre ses cuisses. Mais la tentative qu'elle avait salement évincée quelques instants plus tôt avait laissé une trace rougeoyante sur ses velléités et il se contenta de déglutir son envie, gigotant sur place pour amoindrir sa volonté. Qu'il se fasse une raison, elle ne voulait pas de lui.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeJeu 30 Juil - 13:00

Il avait raison : elle avait mal. D'une souffrance assez aiguë pour perler ses tempes d'une douleur lourde et moite. Et assez palpable pour qu'elle obéisse à Lin sans broncher.

Vamp ne s'assit pas sur le bord du lit, elle s'y laissa tomber. La tête légèrement penchée, elle observait ses cuisses sans les voir pendant qu'elle reprenait difficilement son souffle par de longues et prudentes inspirations. Elle n'était pas seulement fatiguée mais épuisée. La moindre parcelle de son corps, le moindre de ses os, réclamaient un coin douillet où se reposer. Vamp voulait dormir et que le sommeil emporte la douleur que cet enfoiré de bâtard avait volontairement avivé.

Elle entrouvrit les lèvres, s'essayant à respirer par la bouche. Cela lui serait peut-être moins douloureux. Ah, non. Mauvaise idée.

Maladroitement, elle repositionna l'oreiller dans le creux de ses reins pour soulager la pression de son dos. Être à demi-allongée devant Lin ne l'enchantait pas mais elle n'avait pas vraiment le choix. Contre toute attente, sa réflexion l'amusa. Non, se faire des amis n'avait jamais été sa spécialité. Ce n'était pas seulement l'éducation que lui avait imposée sa génitrice, Vamp avait toujours eu ce pic de caractère. C'était l'un des plus grands mystères de sa vie : comment avait-elle pu être aussi joueuse avec Lin dés leur première rencontre ? C'était tout simplement injustifié et incompréhensible.

Vamp leva les yeux pour croiser son regard. Il était... atrocement mignon. Appuyé là, les poings enfoncés dans ses poches, le regard un brin soucieux. Un sourire complice étira les lèvres de la jeune brune.


- Non, c'est vrai. Mais j'ai plutôt bien su choisir mon homme...

Son sourire devint plus timide alors que son regard évita une demi seconde les yeux noisette de Lin. Elle flirtait comme une adolescente inexpérimentée mais en avait la désarmante sincérité. Le jeune homme lui manquait et elle avait très envie qu'il vienne embrasser ses lèvres.

Pourtant, le picotement de son front brisa ce charme innocent. Sa main gratta la peau blanche par réflexe, effleurant les sutures de Lin avec une pointe d'impatience. Tout lui revint instantanément en tête. La gifle, le bordel, ces trois dernières semaines, le nouveau contrat... Elle était blessée car elle avait chuté. Elle avait chuté car on l'avait menacée. Valentin.

Son regard se glaça et un pli inquiétant se dessina au coin de ses lèvres qui s'étaient provisoirement adoucies sous l'attention du jeune barbu.

- Il faut qu'on parle.

Elle se redressa sur la couche, aussi droite que ses côtes le lui permettaient. C'était inhabituel. Vamp n'était absolument pas le genre de femme à parler. Même après certaines disputes entre Lin et elle, sa tactique préférée de réconciliation consistait à se glisser en douce entre ses bras pendant son sommeil et à le pousser à lui faire l'amour dés les premiers rayons du soleil. Et cela avait toujours été d'une efficacité remarquable.

Elle détestait les mots, elle détestait parler et elle détestait réfléchir à ce qu'elle allait devoir dire. Mais il était temps de s'expliquer.


- Je sais de quoi ça à l'air mais ce n'est pas ce que tu crois. Je pourrais tout t'expliquer, jusqu'à ma présence aux côtés de Valentin. Mais j'ai remarqué que tu as tendance à ne pas m'écouter lorsque je me justifie et à me diaboliser avec une facilité assez déconcertante. Et tu sais comme je déteste parler pour ne rien dire.

Le ton était posé et exceptionnellement non dédaigneux. Les paroles étaient détachées mais sérieuses et seul le regard sombre de Vamp semblait s'attacher à la personne de Lin.

- J'ai infiltré la garde rapprochée de Valentin pour l'éliminer. Je connais toutes ses habitudes, ses précautions, les marches à suivre en cas d'attaque... Je connais par cœur la liste de ses potentiels concurrents et ennemis, leur description physique et les endroits qu'ils fréquentent. Je connais les codes de protection que doivent mettre en place ses gardes rapprochés en fonction de l'attaque et de l'endroit où ils sont attaqués. Et je connais les faiblesses de chacun de ces trois gardes.

Elle s'arracha du lit pour se lever et s'avancer vers lui. La tête lui tourna légèrement mais seul un cillement d'yeux osa en témoigner. Elle était exagérément rigide, répondant au corps de Lin par un parallélisme parfait. Son corps fatigué et douloureux lui certifia bien vite qu'elle n'allait pas pouvoir rester ainsi bien longtemps.

Mais Vamp avait la tête dure.


- Je te donne toutes ces informations, tout ce que je sais. Et tu m'autorises à participer à sa mise à mort.


Son regard noir n'avait pas lâché une seule seconde les yeux du jeune barbu. Sans la moindre hésitation, elle tendit sa main vers lui, l'un de ses sourcils sombres délicatement arqué.


- On fait équipe ?
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeSam 1 Aoû - 14:21

Immobile, il se tint silencieux un long moment, ses yeux scrutant le visage pâle qui lui faisait face. Faire équipe avec elle. Cela signifiait qu'il devait lui faire confiance. Elle avait apparemment des informations qui pourraient s'avérer utiles. Voire même, très utiles. Ses yeux ne lâchaient pas les iris sombres qui répondaient aux siens, les sondant avec application. Elle les tenait de la source, après tout. Source qu'elle avait rejointe. Si bien rejointe qu'elle avait pu en vérifier tous les ressorts. Et les lui donner à présent.

Un léger frémissement agita l'espace entre les sourcils du jeune homme. Pour en arriver là où elle en était, elle avait dû faire avaler à Valentin qu'elle était digne de sa confiance. Qu'elle ne le trahirait pas. Qu'elle serait prête à tout pour le maintenir en sécurité. Comment, au juste ? Il avait dû la tester, la défier, la mettre à l'épreuve. Combien de ses camarades avait-elle dû descendre pour parvenir là où elle était ? Comment pouvait-il être sûr qu'elle ne le vendrait pas à son tour ?

Ses yeux restèrent longuement plongés dans les siens, fouillant chacune des deux pupilles avec attention. Passant de l'une à l'autre, il n'était trahi dans sa recherche que par les légers mouvements de côté que faisait son regard. Vamp n'avait jamais su voiler dans son regard ce qu'elle avait en tête. Même lorsque ses traits montraient la plus parfaite impassibilité, ses iris trahissaient le frémissement mutin qui agitait sa cervelle. Il ne comptait plus le nombre de fois où il s'était presque fait avoir par son visage innocent.

Cette vitrine sur ses réelles intentions lui avait toujours permis de s'en tirer dans des situations délicates. Un pot de miel supposément fini. Un gâteau au sucre à aller chercher d'urgence. La minette disparue elle ne savait où. A chaque fois, il s'était avancé dans le piège jusqu'à croiser son regard une seconde de trop. A chaque fois, il avait fait marche arrière et avait botté en touche. Des chatouilles, quelques mots bien trouvés ou un matelas l'avaient sorti d'affaire. Il n'y avait aucune raison qu'elle sache mieux mentir aujourd'hui. Et ses yeux allaient lui permettre de déterminer à quel point elle était digne de confiance sur ce coup-là.


Tu viens pourtant de te justifier. Et je t'ai écoutée. Avec attention. Et sans diabolisation.

Il se redressa calmement, son épaule se détachant du tour de porte. Il se tenait face à elle, déplié de toute sa hauteur et inclina à peine la tête sans toutefois perdre son regard. Elle était franche. Elle n'essayait pas de l'infiltrer à son tour pour jouer au troisième niveau. Elle voulait vraiment la mise à mort de ce fils de catin. Un léger sourire teinté tant de satisfaction que de soulagement souleva le coin d'une lèvre du jeune homme alors qu'il sortait une main de sa poche pour venir s'ébouriffer les cheveux dans un mouvement réflexe. Elle était finalement digne de confiance. Il laissa retomber sa main au niveau de la sienne, tournée vers sa paume pour la serrer dans la sienne.

- Je pense…
- … qu'tu vas pouvoir t'la mett' au cul c'te mise à mort.


D'un mouvement sec, Larson écrasa sa main sur celle de son compère, la déviant de sa trajectoire initiale. Il ne jeta pas le moindre regard au barbu devant lequel il venait de passer pour se tenir face à celle qui l'avait envoyé bouler dans les escaliers. Cette petite conne n'était digne d'aucune faveur. Qu'elle crève de frustration serait plutôt au programme. Le regard mauvais, l'anglais s'approcha d'elle jusqu'à ce que son souffle croise le sien dans leurs expirations respectives. Il s'arrêta juste avant de la toucher mais ses yeux étaient plus meurtriers que ses poings.

T'crois franch'ment qu'on va s'encombrer d'une rouille comm'toi ? Même pas capable d'te tenir d'bout plus d'trois minutes. Tu tacles tes copains par derrière. T'les envoies à la mort en un claqu'ment d'doigts par mauvaise humeur. Et t'crois qu'on va t'faire confiance ?

Il plissa les yeux. Elle méritait de se faire jeter par la fenêtre. Les petits caprices féminins n'étaient acceptables que lorsqu'ils provenaient de ces nobliotes qu'il ferrait. Pour les blafardes dans son genre, la tolérance avoisinait le zéro. Il en caressait l'idée avec une fixité inquiétante quand la main de Lin l'attrapa par le col de sa chemise, le tirant vivement en arrière pour l'éloigner de la jeune femme.

- Calme tes ardeurs. Je sais qu'elle te plaît mais tu tenteras ta chance quand je serai pas dans le coin.
-Ta gueule, toi… J'te vois d'là en train d'fondre d'vant son air d'morgue. C'est quoi ton problème ? T'es nécro ou quoi ?

D'un soupir las, il fit taire l'anglais. Il lui indiqua la pièce inférieure d'un signe de tête avant de la tourner vers Vamp.

Il a pas tort sur tous les points. On va discuter de ça.

Il l'invita à retourner s'allonger avec une fermeté qui trahissait l'absence de choix qu'il lui laissait et il referma consciencieusement la porte derrière lui en sortant. Il n'avait pas besoin qu'elle assiste à leurs négociations ni que Larson se rompe un nerf s'il la voyait y assister. En quelques pas, il était en bas, installé contre le mur de la porte pendant que l'anglais prenait ses aises sur son canapé. Une série d'intonations s'en suivit, quelques silences et finalement une poignée de main à laquelle Vamp ne put assister. A peine un quart d'heure plus tard, le barbu rouvrait la porte de la chambre après y avoir toqué par réflexe, comme pour prévenir qu'il entrait.

Bienvenue dans l'équipe. Mais pour la mise à mort, ça va être compliqué.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeDim 2 Aoû - 16:50

La porte se referma en silence et la jeune femme ne bougea que lorsque le craquement des pas de Lin dans l'escalier s'étouffa. Son corps flancha. Elle respira bruyamment avant de regagner péniblement la couche du jeune barbu, laissant sa fierté sur place. Elle avait mal et le repos cherchait à s'imposer.

Sa nuque était désagréablement moite et elle dégagea le col de lin qui collait sa peau avec lassitude. Elle avait besoin de sommeil et d'un bain.

La diatribe de Larson ne l'avait ni étonnée ni fait ciller. Sa proximité, les termes employés, l'agressivité de sa voix, rien n'avait perturbé le calme tranquille de Vamp. Elle s'était contentée de le regarder avec un détachement et un désintérêt tout aristocratique. Une seule chose la chiffonnait... il allait falloir que Lin lui explique le sens du mot « necro ».

Si la harangue de l'Anglais ne l'avait pas alertée, c'était avant tout parce qu'elle avait vu Lin faire son choix avant son intervention. Et elle savait Lin têtu. Très têtu. D'autant plus que Larson pouvait bien se targuer de le connaître mieux qu'elle ces trois dernières années, il n'avait ni peau blanche ni mèches noires pour le faire changer d'avis.

La douleur qui tapait ses tempes obligea ses yeux à se fermer de longues minutes. Elle avait vraiment besoin d'un bisou magique de barbu...

Si la provocation anglaise n'avait pas réussi à ébrécher le calme défensif de Vamp, elle savait qu'elle n'en avait pas fini avec lui. Machinalement, elle se frotta le bas du visage énergiquement, comme pour désincruster l'haleine qui avait pu s'installer entre ses pores. Ce type n'avait aucune notion de l'espace personnel. Elle se demanda un instant comment un homme avec de telles manières avait pu percer la méfiance de Lin et en faire son ami.

Les coups toquant à la porte obligèrent ses yeux à se rouvrir. Ses dernières étincelles d'attention lui permirent d'observer soigneusement le jeune homme, des traits de son visage à la ligne de ses épaules, cherchant le moindre indice sur l'épisode du rez-de-chaussée. Rien n'alarmant mais rien de concluant non plus.

Pour toute réponse, un froncement de sourcil orageux assombrit d'abord son visage. Elle échangea quelques paroles prudentes avec Lin avant de secouer la tête. Elle le lisait dans son regard, il avait déjà pris sa décision et ne reviendrait pas dessus. Inutile de se fatiguer à argumenter aujourd'hui. Elle avait bien trop mal à la tête pour ça. Elle accepta en fermant les yeux, sa nuque s'enfonçant doucement dans l'oreiller. Ni elle ni lui n'était dupe. Vamp avait accepté bien trop facilement.


***

Les jours suivants s'écoulèrent sans incident, seule une petite tension flottait, tension que Vamp assimilait surtout à la nervosité qui naissait avant tout combat à venir. Elle était sévèrement consignée chez Lin avec interdiction formelle de mettre un pied dehors. Elle devait passer pour morte aux yeux de Valentin, ils étaient tout deux tombés d'accord là-dessus. La jeune femme voulait à tout prix protéger sa famille de la fureur du grand patron, qu'il ne manquerait pas d'avoir s'il savait qu'elle était toujours en vie...

La promiscuité de Lin n'était pas la chose la plus aisée à gérer pour Vamp. D'abord, il lui avait laissé son lit. Elle avait eu beau râler, rien n'y fit. Selon lui, des côtes dans son état exigeaient une bonne couche. L'ennui, c'était que l'odeur de Lin imprégnait les draps qui l'enveloppaient chaque nuit. Or à chaque fois qu'elle s'éveillait dans un demi-sommeil, persuadée que le barbu était à ses côtés, la jeune femme ne rencontrait que le vide lorsqu'elle tendait câlinement la main vers sa place attitré. Ses nuits se résumaient aux simples termes de cruauté et frustration.

Restée de marbre face à ses grands yeux noisette demandait un effort drastique qui, la plupart du temps, ne servait à rien. Un irrépressible sourire stupide effleurait à chaque fois ses lèvres et, consciente de son état, Vamp s'empressait de détourner la tête.

Ce qu'elle préférait, c'était les moments où ils mangeaient ensemble. Les années de complicité refaisaient surface et il se faisait une joie de la taquiner en cherchant à la faire rire ou à la faire rougir. Elle avait son entière attention et s'en délectait. Mais ce qu'elle savourait par dessus tout, c'était lorsque Lin rentrait du travail et qu'il passait la porte en la cherchant du regard. Elle lui répondait toujours par un regard faussement désintéressé qui ne leurrait ni l'un ni l'autre. Le jeu de l'un était de dérider l'autre qui devait restée imperturbable. Et Lin gagnait très souvent.

Vamp voulait le toucher. Elle voulait se glisser dans ses bras et fermer les yeux. Elle voulait embrasser sa bouche avant qu'il ne parte travailler au lieu de lui faire un stupide signe de main.

L'acidité du caractère de la grande brune n'était un secret pour personne. Elle était froide, hautaine et méprisante. Pourtant, chaque matin sans exception, un bain fumant attendait Lin à la sortie du lit. Elle prenait le temps de se lever plus tôt que lui et de tout préparer. Le premier jour, elle était descendue avec nonchalance, affirmant au barbu qu'elle venait de prendre un bon bain chaud, que l'eau était encore à une température acceptable et que, in-extrémis avant de jeter l'eau, elle s'était dit que « peut-être », Lin aurait aimé se laver... ?

Elle n'avait pas pensé à ses mèches noires parfaitement sèches ni à l'absence d'inondations caractéristiques autour de la bassine. Mais jamais elle ne lui aurait avoué préparer ces bains rien que pour lui.

Le plus dur était son absence. Il partait tôt, rentrait tard. Et Vamp s'ennuyait. Boudeuse, elle errait dans la maisonnée désespérément vide de barbe, le regard impatiemment tourné vers la porte en attendant le moindre mouvement de cette dernière. Le schéma était le même, que Lin soit absent depuis plusieurs heures ou qu'il soit parti depuis moins d'une demi heure. Bien sûr, dés que la porte tremblait en précédant l'arrivée du barbu, elle se précipitait dans le fauteuil, l'air de rien, et le saluait d'un « Oh, déjà ? » parfaitement décontracté.

La nuit du troisième jour, Vamp se retournait depuis plus d'une heure sur sa couche, grimaçant à chaque mouvement. Elle n'arrivait pas à dormir. Un coup d'oeil incertain à ses côtés lui appris que non, Lin n'était pas soudainement apparu à l'autre bout du lit pendant la nuit. Elle patienta une longue heure de plus selon elle, dix minutes en réalité, avant de se lever pour aller tendre l'oreille vers le rez-de-chaussée. Le silence le plus profond répondit à sa curiosité, tout juste interrompu par le craquement des bûches dans l'âtre.

Pieds nus, elle descendit légèrement les marches avant de vite retrouver la chaleur de l'épais tapis. Son regard trouva Lin endormi, dans la position exacte dans laquelle elle l'avait imaginé. Un petit sourire en coin étira ses lèvres pâles avant qu'elle ne s'assit au pied du canapé. Elle l'observa sans ciller une longue minute avec une attention de chatte avant de...


- Lin ? Eh ! Lin ?

Elle le secoua une première fois doucement... avant de réitérer ses secousses sans intermittence, comme si elle battait des œufs, jusqu'à ce que les yeux embués de sommeil s'ouvrent enfin. Assurée qu'il était bien réveillé, elle appuya innocemment son menton contre ses mains croisées sur la couche, à quelques centimètres du visage de Lin, le regardant avec de grands yeux de hulotte.

- Mmh... Tu dors ?

La mine rassurée en voyant que non, il ne dormait pas, elle lui adressa un sourire timide. Son petit doigt tapait sur le dos de sa main, touchant presque le coin de sa lèvre.

- Mmh en fait... 'fin, je dormais pas et puis... mmh... tu vois, quand tu dors pas, bah tu penses, tu penses... hm. Et tu penses... et d'un coup, je...

Vamp cligna des yeux. La lumière chaude des flammes éclairait délicieusement les traits de Lin. Elle léchait ses pommettes, ses joues et la courbe de son menton. La jeune femme entrouvrit les lèvres. Il était encore tout chiffonné par le sommeil et elle était persuadée que son corps devait être tout chaud.

- La vérité c'est que...

Le plus objectivement du monde, ce type avait vraiment une bouche magnifique. Même à cette heure tardive. Et elle avait terriblement envie de glisser son nez juste ici, contre sa tempe, là où quelques unes de ses mèches retombaient avec une désinvolture toute provocatrice.

- … mmh tu me manques Lin.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeLun 3 Aoû - 11:30

C'était beaucoup plus ardu qu'il ne l'avait imaginé au premier abord. Ils avaient pourtant discuté de la chose et étaient tombés d'accord pour affirmer qu'il s'agissait de la meilleure solution. Faire croire à Valentin que Vamp était morte leur permettrait de profiter de son savoir sans qu'elle n'ait à se mettre en danger à ses côtés dans un double-jeu risqué. Certes, cela ajoutait une quatrième personne à neutraliser mais il y avait peu de chances qu'elle soit aussi difficile à mettre à terre que la jeune brune, comme Lin avait prévu de le faire quand il pensait encore qu'elle avait retourné sa veste.

Mais en attendant, elle résidait chez lui. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle était là quand il partait, elle était là quand il revenait. Il n'y avait pas un seul instant une fois cette porte passée sans que son profil ne se laisse apercevoir, sans que son odeur ne se laisse humer. Elle était très réellement présente. Tout autant qu'inaccessible. C'était du sadisme organisé. Il la voyait se mouvoir entre ses murs sans pouvoir l'approcher alors que tout en lui l'inclinait vers elle. Ce n'était pas concevable. Il entreprit donc de faire changer les choses.

Il avait pris le temps de rentrer un peu plus tôt ce soir-là, donnant à Larson la plus mauvaise excuse qui soit sans même s'en préoccuper. Il se fichait que l'anglais le croie ou non. Il avait juste besoin qu'il lui lâche la grappe en avance. Sans doute secoué par la détermination du jeune homme à faire accepter sa mante religieuse au sein du groupe, le bâtard n'avait pas rechigné à le laisser prendre la porte avant la fin de la journée. Il n'était pas idiot. S'il voulait le garder effectif, il allait falloir composer avec la relation bordélique qu'il entretenait avec cette blafarde.

Il passa le seuil avec désinvolture, ses pupilles fouillant la pièce pour retrouver l'éclat blanchâtre qu'il s'était habitué à trouver au fond du fauteuil aussi défoncé que son canapé. Satisfait de l'y voir comme à son habitude, il répondit à son regard d'un simple sourire et referma derrière lui d'un coup de talon. Un parfait détachement réciproque qui couvait une envie bien palpable de se toucher, ne serait-ce que le temps d'un geste tendre.


Y'a vraiment des abrutis dans ce bas-monde.

Il amorçait ses retours toujours de la même façon depuis quelques jours. Raconter une anecdote de sa journée à Vamp. Ne pas la charger avec les détails inutiles, juste lui donner de quoi se distraire. Voire, dans les bons jours, la faire rire. Elle était seule enfermée ici toute la journée, elle appréciait un peu de distraction. Mais surtout, le jeune barbu tissait ainsi avec elle de nouveaux liens, sains et sans antécédents.

Il se pouvait qu'il glisse un pied un peu trop près du sien lorsqu'ils partageaient un repas, coulant un regard à la dérobée vers elle pour voir sa réaction. Il arrivait aussi qu'il effleure son bras du sien quand il venait se verser un verre de lait à côté d'elle alors qu'elle se préparait une tartine. Ses yeux trouvaient toujours les siens pour lui adresser un petit sourire d'excuse appuyé, beaucoup moins pour se faire pardonner de ces contacts inopinés que pour se rapprocher d'elle sous des prétextes tous plus fallacieux les uns que les autres.

Mais il n'aimait rien de plus que quand il parvenait à lui faire découvrir ses dents avant de rire comme une gamine. Il suivait d'un regard attentif l'évolution de son sourire jusqu'à l'éclat de rire, irrémédiablement attendri face à son air enfantin et innocent. Elle était beaucoup trop belle dans ces moments-là et il finissait par détourner le regard en souriant à son tour, parfaite image des jeunes timidités.


Imagine un homme, gabarit boeuf, esprit de renard mais cervelle de moineau. Assez fier. Le genre que tu t'amuses à tourmenter quand tu le prends en état de faiblesse.

Il déposa sa veste sur le dossier d'une chaise qu'il tira à l'intention de la jeune femme. D'un mouvement presque révérencieux mais notablement amusé, il l'invita à s'asseoir là pendant qu'il allait chercher de quoi se nourrir sur les étagères en face.

Empressé, aussi, un peu. Pas vu de femelles depuis longtemps, boeuf aux aguets. La tête quand cette blonde vient le chercher… Un gamin devant un nouveau joujou. Bref. Il me passe devant comme si c'était la nouvelle tête couronnée du royaume. Regard de circonstance.

Il revint vers la table, y déposant les victuailles du repas à venir et prit place en face de Vamp, avançant sa chaise jusqu'à sentir ses pieds effleurer les siens. Parfait. Il s'accouda à la table pour intensifier le récit et continua à expliquer comme ce lourdaud prenait des airs de vivacité que son corps ne lui octroyait pas, bougeant les mains pour détailler tout ça. La brune l'écoutait avec attention, ses grands yeux noirs braqués sur lui. Il adorait ça. Surtout quand il savait qu'elle allait rire. A mesure qu'il mettait en place le contexte, il la sentait s'intéresser à l'histoire et bientôt, elle eut le geste qu'il attendait pour passer à la chute. Elle ramena ses pieds sur sa chaise comme elle avait l'habitude de le faire, ses bras ceignant ses jambes pour tenir tout ça en place. Il s'empêcha de sourire et allongea ses jambes sous la table en s'adossant à sa chaise, comme prenant ses aises.

Et là, évidemment, elle s'est mise à courir en riant faussement, pour qu'il ait cette impression de chasse, tu vois ? Sauf que, pas de chance pour lui…

Ses pieds étaient à bonne distance des pieds de la chaise de la jeune femme et ses genoux à peine pliés lui donnaient la latitude dont il allait avoir besoin. Il ralentit encore un peu le débit pour suspendre totalement la brune à ses lèvres, le regard intensément fixé sur elle, au pic du récit.

… quelques marches plus haut. Lui, s'approche, presque agile et au moment où il bondit pour l'attraper, BOUM !

Ses pieds encadrèrent la chaise pour la prendre en étau et l'agitèrent brusquement pour secouer Vamp au diapason de la chute relatée du gros monsieur. Déstabilisée un court instant, elle ouvrit de grands yeux de surprise avant que ses dents blanches ne se laissent apercevoir entre ses lèvres. Celles de Lin perdirent leur sérieux et s'étirèrent à leur tour. Une seconde plus tard, elle éclatait d'un rire joyeux sans qu'il ne sache si elle s'amusait plus d'imaginer l'homme se vautrer derrière la catin ou du mini-tremblement de chaise qui l'avait ébranlée. Mais peu lui importait. Elle riait. Son propre sourire finit par lui être évident et il détourna à nouveau le regard en s'ébouriffant les cheveux pour essayer de se donner une contenance. Elle le troublait sans même en avoir conscience et il ne tenait pas à ce qu'elle s'en aperçoive. Il aimait trop l'innocence derrière ses éclats de rire.

***

Etendu sur le canapé défoncé, plongé dans un silence uniquement perturbé par le crépitement des flammes, Lin dormait comme une souche. S'il ne parvenait pas à se concentrer quand Vamp était dans les parages, il devait tout de même reconnaître que sa présence l'apaisait bien plus qu'il ne le disait. Il n'avait plus besoin de se saouler comme un ivrogne pour parvenir à basculer dans le sommeil. Le fait de la savoir là-haut lui suffisait et il s'endormait chaque soir avec une facilité déconcertante.

En plein milieu d'un rêve, il était en train de marcher dans les couloirs pavés d'un cloître religieux inconnu, les bras chargés de couvertures à aller distribuer aux moines. En fond sonore, quelques raclements et autres bruits de souris imaginaires qui crapahutaient alentours. Plus il avançait et plus le couloir rétrécissait. Il tâtait les pavés devant lui à chaque pas de peur qu'ils ne s'écroulent. Tap, tap, tap. Celui-là était fiable, il y prit appui. Tap, tap, tap. Celui-ci aussi. Pourtant, son pied frémit en s'y appuyant. Il réitéra sur la roche suivante, même assurance. Mais cette fois-ci, sa jambe entière manqua de se dérober tant elle tremblait. Il s'agrippa par réflexe aux couvertures alors qu'il basculait brusquement vers l'avant, dans un puits noir sans fond ouvert juste devant lui. Ses paupières frémirent, libérant ses pupilles et sa jambe retomba sur la couche, enfin lâchée par les mains féminines. Encore crispés sur les couettes, ses doigts trahissaient un long trajet pour revenir à la conscience.


Mhm…

Il battit plusieurs fois des paupières pour parvenir à ouvrir des yeux encore embués de sommeil et écrasa un bâillement dans la couverture qu'il roula autour de son épaule en pivotant sur le flanc, douillettement installé.

Mhhhhmmquoi ? Il est un peu tôt là… 'fin tard… 'fin… pas l'heure…

Ses yeux bien ouverts se posèrent sur le visage qui lui faisait désormais face. Tourné d'un quart de tour par rapport au sien, il avait le regard au niveau de sa bouche. Il déglutit par réflexe. Sacré réveil. Dans un effort, il releva les yeux vers les orbites noires un peu au-dessus et s'y laissa noyer sans rechigner. Le sommeil n'était pas loin, la chaleur ambiante le laissait serein et ce regard l'enveloppait comme aucun. Il aurait pu rester ainsi des heures durant si les lèvres n'avaient pas bougé pour accompagner le frémissement des cordes vocales. Le manque.

Il cligna des yeux pour s'assurer qu'il était bien réveillé et se redressa suffisamment pour s'appuyer sur un coude, son autre main lâchant enfin les couvertures pour passer sur son visage, retirant les restes du sommeil. Elle venait de dire qu'il lui manquait. Incrédule, le jeune homme resta un long moment à la scruter, l'air un peu ahuri accentué par le réveil récent.


Tu… Enfin, je… te… je te manque ?

Il se redressa jusqu'à s'asseoir, les couvertures à moitié enroulées autour de la taille et le torse entièrement nu. Il n'en revenait pas. Comment pouvait-elle ressentir le moindre manque alors qu'elle avait refusé ses avances quelques jours plus tôt ? Elle devait divaguer. Ou alors elle avait fait un cauchemar. Il passa une nouvelle fois son regard sur son visage. Ce devait être ça. Elle avait une ombre de cernes sous les yeux et son air doux presque enfantin. Elle avait dû cauchemarder, ne pas oser le réveiller et finalement le faire. Oui, c'était ça. Il esquissa un sourire proche de la tendresse et glissa une paume encore chaude contre sa joue blanche. Du bout du pouce, il caressa le sommet de sa pommette.

T'en fais pas, ça va passer.

Le cauchemar, évidemment. Il se recula tout contre le dossier du canapé et ouvrit de son autre bras les couvertures qui renfermait sa chaleur.

Viens là.

Il l'invitait à venir se lover contre lui, au creux de la chaleur de sa propre couche. Il savait par expérience que rien ne la calmait mieux que ça. Pourtant, il tiqua au moment où elle amorça un mouvement vers lui et l'arrêta d'un léger mouvement.

Attends.

Il mena ses doigts aux boutons de la chemise qu'elle portait et les défit un par un avec lenteur pour ne pas l'affoler. Il ne voulait pas qu'elle aille s'imaginer des choses. Il n'essayait pas de la déshabiller pour la renverser sur le tapis. Il voulait juste sentir sa peau contre la sienne. Il parvint au bas du vêtement sans qu'elle ne réagisse contre et il en écarta les pans avec douceur. Ses yeux ne purent s'empêcher de dévier de son visage vers ses clavicules, la naissance de sa poitrine et le reste de son buste, lui arrachant une déglutition peu aisée. Elle était magnifique. Et la lumière intermittente du feu dans l'âtre ne faisait que sublimer ses courbes. Un sourire franc éclaira les traits du jeune homme malgré les marques au niveau de ses côtes et il lui ouvrit de nouveau l'espace de ses couvertures.

Mieux.

Il s'enfonça lui-même contre le dossier pour lui laisser prendre place et rabattit sur elle les couvertures encore chaudes, l'enveloppant dans un cocon de chaleur. Il resta quelques secondes à l'écart de son corps, comme n'osant pas la toucher. Il avait en tête le refus de son contact des jours passés et il craignait de la sentir se dérober. Pourtant, Vamp ne semblait pas bouger. Attiré par son odeur, sa chaleur, il gigota pour revenir contre elle et pressa son torse contre son dos dans une étroite étreinte, logeant son bras entre les siens. Là, il se sentait bien. Parfaitement bien. Le corps blanc se trémoussa un instant, maintenant Lin en état d'alerte mais il apparut bientôt que ce n'était que pour mieux s'installer. Soulagé, le barbu plongea son nez dans les mèches brunes et ferma les yeux dans un sourire involontaire.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeMer 5 Aoû - 11:42

C'était délicieusement chaud. Et doux. Vamp ferma les yeux, ronronnant de plaisir. Elle s'était laissée déshabiller avec une confiance de chiot et une innocence désarmante. Elle se lova tout contre Lin, légèrement recroquevillée sur elle-même, avant de fermer les yeux.

C'était d'une sensualité toute délicate. Il y avait la douceur de sa peau contre la sienne. Les battements de son torse qui raisonnaient contre ses omoplates pâles. Son souffle qui caressait sa nuque à travers les mèches noires. Il était entièrement là, totalement à elle, en son entière possession. Et elle avait toute son attention.

Un petit sourire de satisfaction étira le coin de ses lèvres. Le vide de ces dernières semaines se comblait. Elle n'aurait pas vraiment su expliquer pourquoi et n'avait pas non plus envie d'en connaître la raison. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle était en sécurité.

Elle pencha la tête jusqu'à glisser son nez contre le poignet du jeune homme, humant son odeur avec un apaisement nostalgique. Toute la tension accumulée dans ses épaules, Valentin, la douleur de ses côtes, l'humiliation de cette gifle honteuse, s'évanouirent lentement. Il n'y avait que Lin, elle, et ce cocon de chaleur qu'ils faisaient naître à eux deux.

Eux. Vamp ne s'était pas installée depuis plus d'une minute qu'elle se tortillait déjà entre les bras du jeune homme pour s'allonger sur lui. Son corps chaud vint se mouler délicatement et innocemment à celui du barbu alors que la couverture glissait le long de son dos pour entourer sa taille. La chaleur de l'âtre léchait son épaule jusqu'à sa pommette gauche, foyer qui n'était pour rien dans la petite étincelle de lumière qui s'alluma dans les yeux sombres de Vamp.

Elle l'enveloppa de son regard velouté, sans timidité et avec une pointe de curiosité. Depuis qu'ils se connaissaient, la grande brune avait la fâcheuse manie de dévisager Lin pendant de longues minutes sans bouger, cillant à peine et les traits impénétrables. Elle finissait généralement son observation féline par une longue inspiration avant de venir se pelotonner contre lui ou bien de simplement quitter la pièce pour vaquer à ses occupations.

Cette nuit là, son examen minutieux des traits de Lin ne lui apprit qu'une chose : il lui avait vraiment manqué.

Cette soudaine prise de conscience déclencha une nouvelle étincelle dans le creux de sa poitrine cette fois. Lin lui avait manqué, mais elle l'avait là, maintenant, à portée de mains, de lèvres et de nez. Son visage si sérieux se fendit d'un large sourire avant qu'un gloussement de contentement ne s'élève de sa gorge. Devenue timide en l'espace de quelques secondes, elle se cacha dans le cou du jeune homme.

Une main recouvra sa nuque pendant que l'autre s'appropriait son dos, lui arrachant une ondulation de désir. Elle sentait qu'il la réclamait et la possessivité qui transpirait de ce geste lui arracha un frisson d'envie. Un seul suffit.

Vamp redressa sa tête, sortant de l'obscurité rassurante de son cou pour le regarder de nouveau dans les yeux. Sans prévenir, elle s'avança pour lui voler un minuscule baiser sur la lèvre inférieure, avec une douce brusquerie de moineau qui serait venu picorer ses lèvres.


- Mmh... Tu viens me manger, dis ?
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeVen 7 Aoû - 11:02

Ses yeux détaillaient les contours de son visage, calmes, presque lents.  La lumière qui montait de l'âtre l'auréolait d'un halo orangé tandis que ses traits étaient plongés dans une semi-obscurité. Seul l'éclat de ses pupilles éclairait le visage pâlot et se mouvait au rythme du regard qu'elle lui rendait. Muets l'espace d'un instant, ils s'observaient l'un l'autre avec une douceur particulière, avec les précautions des découvertes. Le barbu sentait encore la pression que sa bouche avait imprimé à sa lèvre inférieure, fraîchement recouverte par l'air ambiant. Ca avait été bref, presque farouche. S'il n'avait pas ressenti cette trace caractéristique, il aurait juré qu'il l'avait rêvée.

Un léger sourire finit par poindre à l'angle de ses lèvres, suivant la caresse de sa paume qui remontait le long du dos blanc, nu et délaissé par la couverture partie rejoindre ses hanches. Elle l'invitait. Timidement mais assurément. Visiblement, l'heure n'était plus à le repousser. Elle l'appelait au jeu. A cette complicité qui les avait liés tant de fois. A l'union. Son visage s'ombragea d'approbation alors qu'il hochait silencieusement la tête. Il allait en faire son festin.

Les paumes larges s'égarèrent le long de son dos, le recouvrant de leur tiédeur à mesure qu'elles éveillaient la peau. La pulpe de ses doigts quittait parfois l'épiderme, substituée par la trace de ses ongles, la pression d'une soif grandissante. Même sans la voir, l'étendue immaculée animait le jeune homme d'une envie qui ne s'éteindrait qu'assouvie. Il perdait parfois le fil en laissant l'une de ses mains explorer la rondeur d'une fesse ou l'angle d'une hanche, le relief pressé dans un soubresaut d'impatience. Ce corps qui recouvrait le sien attisait une envie qui vivait en lui sans le moindre effort et il savait qu'il y succomberait.

D'un mouvement accordé à sa main qui recouvrait sa nuque à nouveau, il plongea ses lèvres au creux de son cou, attirant son visage contre son épaule. Ses mèches brunes chatouillaient ses doigts en d'autant de provocations et le parfum qu'il sentait si près d'elles enivrait ses sens. Il retrouvait l'odeur de Vamp, ses cheveux et sa peau. Ses doigts se crispèrent contre la nuque blanche, entravant quelques vrilles sombres dans leurs phalanges pour lui faire relever le visage. Sa bouche remonta le long de sa gorge, de son menton et s'immobilisa toute proche de ses lèvres, son souffle court les recouvrant d'une haleine brûlante. Il plongea son regard dans le sien le temps d'y trouver l'approbation qu'il cherchait avant d'y céder aussi rapidement qu'elle lui avait été accordée. D'une simple pression, le désir se répandit dans son corps, à l'instar de son goût sur son palais. Sa langue s'était frayée un chemin jusqu'à la sienne et leur ballet d'une lenteur obsessionnelle montait à la tête du barbu. Il avait terriblement envie d'elle.

Il avait passé plus de trois semaines sans la toucher, sans l'effleurer, sans la sentir, sans même la voir. Les derniers jours l'avaient mis à rude épreuve en lui imposant sa présence sans lui laisser aucune possibilité de l'approcher. Le manque qui était né de cette absence avait empli son corps d'une envie quasi absurde de son contact et elle se muait là en une ardeur à peine contenue. Pourtant, il ralentit la cadence de ses mouvements au sentir de ses côtes, le souvenir de son accident refluant dans sa mémoire. Elle était blessée. Il ne pouvait pas se permettre de la malmener, ni par plaisir ni par jeu. Ses yeux se rouvrirent sur les siens alors que ses mains glissaient déjà dangereusement vers ses jambes, les paumes largement établies sur ses cuisses. Il ne pouvait pas non plus se résoudre à la recoucher sagement près de lui. Surtout pas quand il lisait ce qu'il lisait à ce moment-là dans les puits sombres. Elle n'était pas plus rassasiée que lui et ne comptait pas se coucher le ventre vide non plus.

D'une solide impulsion, il se redressa contre le buste de Vamp, ses mains pressées à l'arrière de ses jambes les amenant de chaque côté de sa propre taille alors qu'il s'asseyait sous elle. Le visage légèrement relevé vers le sien, il esquissa un sourire vers elle, ses doigts fourmillant vers l'intérieur de ses cuisses. Installée sur lui, elle le surplombait de quelques centimètres et il décelait nettement la fierté qu'elle en tirait. Il ne comptait pas lui laisser afficher cette satisfaction vaniteuse sans représailles. D'un mouvement agile, il se défit de l'unique vêtement qu'il portait pour dormir et pressa son bassin désormais nu contre celui de la brune, le regard posé sur son visage. Les lèvres qu'il vit s'entrouvrir l'assurèrent encore un peu plus de ses gestes et son visage plongea contre le buste blanc, à l'instar de son poignet entre ses cuisses.

Il ne lui fallut pas plus d'une seconde pour comprendre la réaction quasi-immédiate de la jeune femme au contact de ses hanches. Elle ne portait absolument rien. Sa propre gorge s'assécha alors que ses phalanges la découvraient aussi nue que lui et la trace de ses lèvres sur son sein fut bientôt recouverte par celle de ses dents. Il venait d'apprécier toute l'étendue de son désir et cette découverte l'exaltait. Enhardi par la manifestation physique de ce qui leur brûlait conjointement les veines, il bascula son poignet pour s'emparer de ses profondeurs comme il ne l'avait encore jamais fait. Il releva un visage grisé par l'émotion sur la brune et esquissa un sourire teinté d'un désir dévorant. Il avait la puissante sensation de fusionner avec l'ampleur de son désir.

Les muscles de son bras roulaient sous sa peau à mesure qu'il l'explorait et une fine pellicule de sueur recouvrait son épiderme, trahissant l'agitation qui le gagnait petit à petit. Il reposa son front moite contre l'angle de sa mâchoire un instant, un grondement rauque s'élevant de son torse alors qu'il se sentait perdre pied. L'envie qui lacérait son ventre la réclamait impérieusement et grignotait la patience qu'il usait à attiser son amante. Il redressa à peine la tête pour glisser un coup de langue derrière l'oreille de la brune, un instant avant que quelques mots échauffés ne se déversent contre elle. Il était incapable de se contenir. Incapable de se restreindre. Incapable de lui résister.

Sa main relâcha la pression établie sur ses profondeurs aussi brusquement que l'envie lui en était venue et il mena son bras autour de ses hanches pour la maintenir fermement. L'autre de ses mains se perdit dans ses cheveux et il porta un regard flamboyant de désir sur le sien, le souffle court. Elle l'atteignait comme personne ne parvenait à le faire et elle n'aurait aucun mal à le lire dans ses yeux troublés. Il ne lui fallut qu'un mouvement de hanches pour se glisser en elle, tout son corps tendu à sa rencontre. Son torse se pressait contre son buste avec la crispation de l'envie et ses cuisses se tendirent sous les siennes à mesure qu'il se logeait en elle. Elle était le centre de son attention et de ses attentions.

Il la sentait se modeler sous ses mains, réagir à ses assauts. La chaleur qui émanait de l'âtre faisait pâle figure au regard de celle qu'ils créaient entre leurs deux corps étroitement liés et leurs souffles se mêlaient aussi assurément que leurs bouches. Les étoffes étaient toutes parties rejoindre le sol et seuls envahissaient le silence nocturne les glissements de leurs peaux et l'élévation de leurs voix. Chacune de ses ondulations répondait à une de ses brusqueries, chacune de ses injonctions suivait une de ses volontés. Ils partageaient leurs corps dans une unique entité qui se consumait à mesure qu'elle était nourrie et bientôt, son essence vola en éclats dans une crispation proche de la tétanie.

Erratique, le souffle du barbu percutait la peau blanche à intervalles irréguliers et son torse s'élevait sans rythme établi, tentant simplement de réguler ce qui se révélait proche de l'anarchie. Le corps en nage et vidé de ses forces, il se laissa retomber à plat dos sur l'étroite couche, ses mains sagement posées contre les cuisses de la jeune femme, incapables de se défaire de son contact. Il avait le visage rougi par la chaleur et les cheveux emmêlés de sueur, la gorge sèche mais les yeux brillants. Voilé par le sourire, il détaillait la jeune femme qui le surplombait en silence, inapte à prendre la parole. L'émotion le tenaillait trop fortement pour qu'il s'aventure à entrouvrir les lèvres et il préféra laisser son corps s'exprimer pour lui, du frisson qui remontait le long de son dos à l'étendue de ses pupilles élargies par le plaisir.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeSam 22 Aoû - 13:14

Vamp tremblait. Pas du petit frisson frileux ni du frémissement onctueux de l'extase, mais d'un véritable tremblement qui agitait jusqu'à ses lèvres entrouvertes. Elle tremblait comme si elle avait été entièrement nue sous la neige. Elle tremblait comme si une fièvre maligne moitait ses tempes. Elle n'avait pas bougé, assise, les yeux baissés pour observer le visage de Lin, le sien restant insondable.

Si la jeune femme avait quitté son lit pour venir le rejoindre, c'est parce que le barbu lui manquait atrocement. Jamais elle ne se serait attendue à passer une nuit comme celle-ci. Jamais elle n'aurait pu comprendre à quel point le manque de Lin lui était intolérable. Quelques semaines plus tôt, elle aurait plongé son nez dans son cou en roucoulant qu'elle l'aimait comme une folle.

Cette nuit, il l'avait aimée avec une sensualité d'amoureux. Ces derniers jours, il avait joué avec elle et l'avait taquinée avec la malice du petit garçon qu'il était sans cesse avec elle. Des gestes et une tendresse à des années lumières de la dispute qu'ils avaient eue trois semaines plus tôt entre ces mêmes murs. Car que Lin l'accueille sous ses draps pour la prendre n'était pas si surprenant que cela. Elle ne pouvait nier l'alchimie érotique qu'il y avait entre eux. Personne ne le pouvait. Mais la tendresse que Lin venait de faire passer dans ses caresses était inexplicable. Pourquoi être attentionné avec la « nobliotte capricieuse » qu'elle était ? Avec la pourriture qu'elle était devenue à ses yeux ?

Elle était perdue. Noyée.

Les paroles de Lin l'avait blessée plus profondément qu'elle ou même lui pouvait l'imaginer. Elle en était la première surprise et n'en comprenait la profondeur que maintenant. C'était incompréhensible. Il la détestait, comment pouvait-il être si tendre avec elle ? Comment son regard pouvait-il être aussi doux alors qu'il était haineux quelques semaines plus tôt ?

Amante langoureuse quelques minutes plus tôt, elle grelottait désormais comme une petite fille égarée. C'était un labyrinthe émotionnel qui la rendait malade. Elle ne savait ni quoi faire ni quoi dire ; elle restait stupidement assise là, à le regarder l'aimer encore alors que ses épaules maladives frissonnaient nerveusement.

Cela avait été délicieux. L'odeur de Lin embaumait encore sa propre peau et elle avait le goût de sa bouche sur ses lèvres. Elle aurait juré que son bras l'avait enserrée si fort à la taille qu'elle devait en garder la marque le long des reins. Elle avait été d'une réceptivité langoureuse, répondant à la moindre ondulation et au plus infime frisson. Le manque de Lin l'avait poussée à s'accrocher à sa nuque, à ses cheveux et à ses mèches désordonnées. Vamp savait, sentait, que la moindre parcelle de sa peau gardait la marque du jeune homme. Le plaisir avait été si intense, si palpable, si électrisant.

C'était cruel. Elle se sentait aimée et indigne de l'être. Et elle s'était sentie haïe sans totalement comprendre pourquoi. Elle en était là.

Vamp n'avait pas bougé depuis une longue minute. Son buste reprenait doucement son souffle pendant que les flammes de l'âtre doraient son front blessé de leur mouvement. La pièce était d'une tranquillité qui appelaient aux caresses et à la somnolence. Mais voilà, Vamp n'avait aucune idée d'où était sa place.

Elle voulait s'endormir contre lui, se pelotonner contre son torse avec la certitude qu'il était amoureux d'elle et que demain elle ne serait pas victime d'une crise de fureur qui détruirait la moitié du mobilier. Or cette certitude, Vamp ne l'avait pas. Et elle ne supporterait pas de vivre une nouvelle crise de colère de Lin. La grande brune n'était pas une femme fragile. Si elle avait quelques phobies, elle arrivait à en gérer la plupart, mais accuser la fureur du barbu était au-dessus de ses forces.

Elle avait peur de s'endormir contre lui et d'essuyer des reproches au petit-déjeuner.

Vamp se leva, se soustrayant au regard noisette. Il était inutile de rester plus longtemps à ses côtés. C'était comme s'il y avait eu deux femmes, tout comme il y avait deux Lin. Quelques minutes plus tôt, elle se laissait emprisonner par un érotisme brûlant et une tendresse toute amoureuse. Maintenant, elle fuyait. Sans plus se préoccuper de sa nudité, elle amorça un mouvement vers les marches lorsqu'une pression retint son poignet. Elle baissa les yeux.

Avant de les cligner. Vamp déglutit. Elle resta un long moment silencieuse sous le regard du jeune homme. Droite, elle laissait les flammes lécher son corps blanc sans réagir. L'ombre de ses muscles modelait ses cuisses pâles de noir. La seule étincelle de vie brillait dans le fond de ses yeux. Interrogatrice, sa tête s'inclina sur le côté, indécise pendant qu'un murmure hésitant franchissait ses lèvres.


- Mmh... Tu ne me détestes plus ?
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeMar 25 Aoû - 16:37

D'un mouvement mesuré, il pivota sur l'assise du canapé pour ramener ses pieds au sol, ses coudes posés sur ses genoux pliés. La tête relevée vers Vamp, il l'observait dans un silence de réflexion, les pupilles insondables. La question qui s'était élevée dans l'air avait glacé le sang de Lin et il essayait de retrouver un peu de chaleur dans des explications à cet uppercut.

Il s'était attendu à tout sauf à ça. La fournaise qu'ils avaient créée lui avait donné la puissante sensation qu'ils s'étaient enfin compris, que les incertitudes qui les agitaient d'habitude s'étaient évanouies sous les assauts répétés de leurs corps et que leurs barrières respectives avaient volé en éclats aussi assurément que leurs nerfs sous le vif plaisir assené. Visiblement, il se trompait. Tout du moins, il se fourvoyait. Lui s'était senti profondément lié à elle dans cet instant de passion sans réflexion. Elle ne l'avait apparemment vécu que comme un accaparement de sa part.

Il déglutit sous le poids qui tomba comme une chape sur ses épaules à cette prise de conscience, le regard un peu terni par ce constat. Il n'avait pas réussi à lui transmettre ce qu'il avait ressenti à ce moment-là. Il n'était pas parvenu à lui montrer l'ampleur de son attachement pour elle. Elle n'avait vu que des gestes physiques, des intentions charnelles sans fondement émotionnel. Heurté, il détourna les yeux du visage blafard un instant, le temps pour lui de se passer une main sur le visage. Ils venaient de vivre une union à mille lieues l'un de l'autre. C'était d'une tristesse à comprimer le sternum du barbu.

Dans une profonde inspiration, il finit par se redresser, son torse nu à demi éclairé par le feu qui achevait de se consumer dans l'âtre, son visage pas plus masqué tourné vers la jeune femme. Ils ne s'étaient pas compris. Encore une fois. Mais celle-ci enserrait plus le poitrail du jeune homme qu'à l'accoutumée. Il en ressentait l'impact jusqu'à ses tripes.

Il tendit le bras jusqu'à ce que ses doigts effleurent le poignet blanc, s'y enroulant avec douceur alors qu'il l'attirait vers lui, écartant à peine les genoux pour qu'elle s'avance entre.


Ne dis pas de bêtises.

Il se leva face à elle, sa longue carcasse surplombant légèrement la sienne, ses yeux se fichant dans les siens. Evidemment, qu'il ne la détestait pas. Comment pouvait-elle même l'imaginer après un tel échange ? Il ne se l'était pas égoïstement accaparée pour satisfaire un besoin urgent. Il l'avait prise avec une passion et un amour qui le dépassaient lui-même. Non, il ne la détestait pas.

Ses paumes encore chaudes de leurs échanges enveloppèrent ses hanches et l'approchèrent de lui d'une ferme pression, ses bras venant s'enrouler autour de sa taille alors que sa peau nue trouvait son homologue blanc. Elle le blessait en évoquant une telle idée. Il avait dû la blesser pour qu'elle l'évoque. C'était un cycle sans fin. Il fallait qu'il y mette un terme.

Il l'emprisonna entièrement contre son torse avant de poser son front contre le sien, son souffle redevenu calme caressant la bouche qui ne lui échappait que de quelques centimètres. Etroitement lié au sien, son regard retenait son attention et il esquissa un mince sourire malgré lui, enveloppé de sa proximité qu'il recherchait tant. Il n'eut qu'à entrouvrir les lèvres pour qu'une voix rauque de retenue filtre dans la chaleur ambiante.


Je t'aime.

[…]

Totalement enroulée autour de lui, la jeune femme s'agitait par moment de contractions nerveuses aussi erratiques que désagréables. Un mauvais rêve devait remuer son sommeil et Lin en ressentait le moindre rebondissement. Un coup d'ongle suivait un coup de pied et il sentait parfois qu'elle serrait sa prise sur lui avec une ferveur qu'un moine ne lui aurait pas disputée. Réveillé par ces manifestations peu agréables, il essayait de se concentrer sur le mur à l'opposé et sur les fissures qui le recouvraient pour ne pas penser que les bras blafards s'exerçaient sur lui. Pourtant, rien n'y faisait, il ne parvenait pas à se rendormir.

Fatigué par ce ballet incessant sans aucune raison tangible de la réveiller à son tour pour l'en tirer, il commençait par être agacé d'être maintenu loin de Morphée alors qu'ils auraient pu en partager les bras sans limite. Lentement et avec une délicatesse exagérée, il se glissa hors des bras de Vamp pour la faire pivoter devant lui, jusqu'à ce que son dos s'offre à son torse. Il emmêla ses jambes aux siennes et logea son bras contre son buste, prenant assise tout le long de son corps, prêt à le serrer suffisamment pour en calmer les mouvements.

Quelques instants plus tard, il s'assoupissait enfin.

[…]


Il avait déplacé sa chaise pour la mettre à l'extrémité de la table, face au canapé sur lequel reposait encore la jeune femme, le panneau de bois comme seul obstacle entre eux. Accoudé à la table, il passait un doigt distrait le long de l'écuelle en terre où gisait un demi morceau de pain, mastiquant l'autre moitié sans grande conviction, les cheveux en bataille après sa nuit peu reposante. Ses yeux ne quittaient pas la silhouette blanche qui dormait encore et passaient en revue tous ses contours, sans aucune pudeur. Il voulait la graver dans son esprit. Entièrement. Eclairée ainsi par la lumière du matin naissant, elle offrait à son regard une multitude de courbes dans un jeu d'ombre et lumière qui la mettait en valeur et tirait un léger sourire évasif au barbu. Elle était belle. Et lui en retard. Mais peu lui importait. Son petit-déjeuner était digne d'une oeuvre d'art. C'était une excuse valable.
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MessageSujet: Re: La Chute...   La Chute... Icon_minitimeMar 25 Aoû - 19:15

La journée était déjà bien avancée lorsque Vamp ouvrit des paupières hésitantes et incertaines. Le premier réflexe de son corps fut de chercher celui du jeune barbu mais la lumière qui baignait la pièce l'informa vite que Lin n'était plus là depuis bien longtemps. Elle resta immobile. Le soleil de ce milieu de journée faisait scintiller les infimes poussières qui s'égaraient dans toute la pièce. Une poussière dorée qui lui arracha un étrange sentiment de paix.

Allongée sur le dos, ses longues jambes nues pliées comme une montagne enneigée, la jeune brune porta des doigts distraits à son front, grattant la chair sans réfléchir. Ses sutures la démangeaient. Et elle détestait les démangeaisons...

Ses ongles soulageant délicatement la désagréable sensation, le regard sombre de Vamp s'égarait devant le petit brouillard d'or, lointain et pensif. Des réminiscences de la nuit passée l'enveloppaient de douceur mais aussi de quelques nuances de peur. Abandonnant les sutures, le dos de sa main s'appuya sur le front neigeux, sa paume offerte au plafond. Elle ne lui avait pas répondu. Elle s'était juste endormie dans ses bras. Il lui avait dit l'aimer, et elle, elle s'était endormie. Trop nerveusement épuisée, trop soufflée pour articuler la moindre parole, trop stupidement craintive pour lui rendre la tendresse dans laquelle il l'avait enveloppée toute la nuit. Elle n'avait rien dit et s'était endormie. Stupide petite conne orgueilleuse.

Et ce matin-là, Lin était parti travailler, auprès de femmes dont elle n'aurait jamais ni les formes ni la carnation. Un très léger mouvement plissa le nez de la grande brune, un petit pli qui brisa le masque de porcelaine lisse qu'elle portait depuis son réveil. Il fallait qu'elle aille le rejoindre, il fallait qu'elle lui dise.

Vamp amorça un mouvement avant de grogner de douleur et de se rallonger avec précaution. Des dégâts que son corps avait hérité de l'accident s'ajoutaient les courbatures gorgées d'érotisme de la nuit antérieure. Un bras s'accrochant au dossier du canapé, elle força lentement pour s'asseoir, l'autre main effleurant ses côtes en tentant de calmer la douleur. Une chair de poule sournoise se tortilla le long de ses mollets jusqu'au galbe de sa cuisse, hérissant la peau d'un froid désagréable. Le feu était mort depuis plusieurs heures déjà et l'efficacité plus que douteuse de cette porte d'entrée avait joyeusement autorisé le froid hivernal à s'installer dans la pièce.

Étrangement, la grande brune ne broncha pas. D'ordinaire, elle aurait pesté et se serait renfouie sous les couvertures comme une renarde dans sa tanière. Mais Lin accaparait toute son attention, assez pour laisser ses chevilles s'engourdir de froid.

Il fallait qu'elle lui parle. Qu'elle fasse des phrases précises, organisées. Qu'elle articule ses sentiments. Qu'elle lui explique combien elle pouvait être malheureuse sans lui.

Vamp se leva malgré la protestation de ses cuisses endolories, enveloppant son corps nu dans la couverture de laine chaude. Ses mains s'activèrent à redonner un peu de chaleur à la pièce en faisant naître des flammes d'abord timides puis de plus en plus voraces. Le bois craqua sous l'attaque avant de se soumettre. La jeune femme ferma les yeux de lassitude. Il était temps d'arrêter de fuir. De jouer l'adolescente blessée. Il était temps d'agir comme elle l'avait toujours fait. Il était temps de redevenir la femme dont Lin était tombé amoureux.

***

Son corps était beaucoup moins douloureux. L'eau brûlante du bain avait soulagé ses courbatures et seules les douleurs de l'accident persistaient. Les larges hématomes de sa chute recouvraient jalousement ses côtes mais Vamp n'était pas assez coquette pour s'en inquiéter. Elle avait changé ses pansements, imitant maladroitement les gestes quotidiens de Lin, avant de se vêtir plus ou moins adroitement, les membres encore un peu raides.

Elle mourrait d'envie de rejoindre Lin. De glisser son nez dans son cou et de s'imprégner de son odeur. Un étrange sourire flotta sur ses lèvres, le premier de la journée.

Vamp avait abandonné l'idée d'aller le trouver au bordel. Ils s'étaient mis d'accord, hors de question de quitter ces murs. Elle devait restée morte. Désobéir revenait à mettre en danger Lin, Ania et son oncle. C'était aussi risquer de foutre en l'air la couverture du barbu. Et puis si elle se précipitait là bas, elle était persuadée qu'elle allait bafouiller des débuts de phrases sans réussir à les finir correctement. Loin de son objectif de départ.

Elle erra donc. Montant et descendant les marches une bonne dizaine de fois en quelques heures. S'affalant douloureusement dans le fauteuil. Effleurant les étagères à moitié vides de la cuisine. Elle savait qu'elle n'allait pas pouvoir restée enfermée encore longtemps. Elle allait devenir folle. Vamp tournait en rond, comme une louve en cage, une désagréable sensation d'emprisonnement pesant sur sa nuque. Elle voulait sortir.

Non, elle voulait Lin. Qu'il passe cette foutue porte, qu'il la cherche du regard et qu'il lui accorde ce petit sourire qui la faisait rougir. La nuit était tombée depuis quelques heures déjà. Elle savait qu'il n'allait pas tardé. Il prenait le soin de rentrer plus tôt depuis qu'elle restait enfermée ici.

Vamp était accroupie devant l'âtre, bougeant une bûche vers les flammes lorsque la porte dans son dos grinça. Elle haussa les sourcils, un peu étonnée. Il était bien plus en avance que d'ordinaire. Les manches blanches de sa chemise remontées au-dessus de son coude, elle leva avant de se retourner.


- Il faut qu'on p...

Ce n'était pas la silhouette de Lin dans l’embrasure de la porte. Vamp se tut, interdite. Un intrus. Un intrus pas si inconnu que cela, puisque son instinct ne lui criait pas la méfiance.

- Vamp ? Mais tu... On m'a dit que...

Si la surprise était parfaitement étudiée, si l'étonnement était parfaitement joué sur les traits de son visage, Isaac n'était pas aussi stupéfait qu'il voulait le faire penser. Il n'était pas complètement stupide et trouver la jeune femme entre ces murs n'était que la suite logique de ses doutes premiers. Sa silhouette carrée n'hésita pas une seule seconde pendant qu'un véritable soulagement l'approcha de la jeune femme.

Poser les questions le premier, ne pas lui donner le temps de réagir, ne pas lui laisser l'occasion de réfléchir.


- Bordel mais à quoi tu joues ? Qu'est ce que tu as comploté ? Je te croyais morte ! Merde ! Je pensais que tu... merde Vamp, est ce que tu vas bien ? Tu es blessée ?

Son regard bleu se porta sur son front pendant que la jeune femme cillait, perdue. Ce n'était pas Lin. C'était Isaac. Isaac dans la maison de Lin. Il avait presque la même carrure que le barbu, la même taille... Mais non, ce n'était pas Lin. Et c'était bien la maison de Lin... Mais ce n'était pas Lin. C'était Isaac. Mais que foutait-il ici ?

- Quoi ? Non, ça va. Non je... Je me suis fait renverser par une charrette mais... rien de grave, juste mon front et mes côtes, mais... Mais qu'est ce que...?


Un soupçon. Le coin des yeux sombres se plissa, très subtilement. Un détail qui n'échappa pas au jeune homme. Tout comme le léger mouvement de poignet de son ancien acolyte n'échappa pas à Vamp.

Dans un silence de mort, la grande brune leva les yeux pour croiser le regard bleu tranchant. Une étincelle de doute dans l'océan bleuté de ces iris lui suffit. Isaac le sentit instantanément. La froideur de Vamp qui raidît ses cuisses et acéra son regard.

Il n'était pas là pour elle. Il était là pour Lin. Il cherchait Lin. Il cherchait son homme.

Isaac se sentit en danger à l'instant même où le regard de Vamp croisa le sien. Elle avait compris. Cette femme était un animal et il était sur son territoire. Cette femme était un animal et son regard lui assurait qu'elle allait lui sauter à la gorge.


Elle allait le tuer. Sous ses yeux, la physionomie du grand brun changea, comme un comédien qui retire masque et costume. Ses muscles virils se contractèrent pendant qu'une lueur s'allumait dans le fond de ses pupilles. Un sourire de chacal ourla ses lèvres. Elle n'était pas armée, la princesse.

- Alors petite, vas-tu cracher le morceau ? Que trafiques-tu avec ce sale clébard de garde, hein ?


Ils attaquèrent au même moment. Vamp aurait pu avoir sa chance, à un détail près. Isaac n'était pas passé sous une charrette.

Il était plus grand qu'elle. Pour l'atteindre au visage, la jeune brune avait dû découvrir ses côtes. Elle voulait lui faire ravaler ses paroles. Elle voulait l'étouffer avec ses propres dents pour l'empêcher de sourire à nouveau. Il n'hésita pas. Lorsqu'elle lui avait énuméré ses blessures, l'idiote avait eu le réflexe que la plupart des gens ont lorsqu'ils parlent sans réfléchir. Elle avait porté ses mains à l'endroit exact où sa chair souffrait, en miroir de ses paroles.

Un poing sec et puissant percuta ses côtes. Le choc fut violent, le bruit sourd. La souffrance arracha ses os. Elle tomba dans un hurlement de douleur. Vaincue, recroquevillée et à genoux aux pieds d'Isaac.
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